René Girard, le système mimétique
Ce qui rend la présentation de René Girard si agréable, c’est qu’il aide à comprendre, par quelques équations assez simples finalement (pourvu qu’on ait eu l’intuition de son système de pensée) certaines phrases de Jésus ou certaines affirmations de la théologie qui sont des plus obscures.
Code du cours: PHIL031
Professeur : Ing. Dr. Michel Van AerdeObjectifs :
- Présenter la pensée de René Girard de manière simple, en dépit du caractère foisonnant de son œuvre.
- Montrer comment il s’agit d’un système de pensée très puissant qui touche à toutes les disciplines (de la littérature à la politique en passant par l’économie et à la religion)
- Expliquer de manière détaillée la notion centrale de mimétisme.
- Montrer comment se produit une crise mimétique et comment elle aboutit au phénomène du bouc émissaire.
- Présenter l’apparition des tabous, des rites, des institutions.
- Aider à comprendre, par quelques équations assez simples (pourvu qu’on ait eu l’intuition de son système de pensée) certaines phrases de Jésus ou certaines affirmations de la théologie qui sont des plus obscures.
Acquis pédagogiques :
- Pouvoir expliquer le système de pensée de René Girard
- Etre capable de décrire les phénomènes comme celui du sacrifice, de l’apparition des tabous et des interdits.
- Pouvoir montrer l’originalité radicale, selon R. Girard du corpus des textes judéo-chrétiens.
- Pouvoir présenter l’apparition progressive du langage, du système judiciaire, de la monnaie…
- Pouvoir décrypter les ruses du désir mimétique.
- Pouvoir décrire la part du sacré dans la violence et sa répression.
Modalités d’évaluation :
- Un devoir écrit (5p). Les étudiant.e.s seront invités à choisir un sujet à traiter parmi une liste imposée.
- Un examen en présentiel à la fin du semestre.
Bibliographie :
- René Girard, La violence et le sacré
- René Girard Des choses cachées depuis la fondation du monde
- René Girard, Le bouc émissaire
Une œuvre gigantesque et complexe
L’œuvre de René Girard est colossale, par le nombre de livres publiés tout d’abord, par la cohérence de la pensée ensuite, par la pertinence des intuitions enfin. Cette œuvre est difficile d’accès. On sent qu’il faut connaître le système qui structure l’ensemble de la pensée de René Girard pour en comprendre les parties. Or il n’y a nulle part de résumé accessible et l’auteur n’est pas vraiment pédagogue, pour aider à saisir d’un seul regard l’architecture de son système.
Un système
Car il s’agit bien d’un système, d’une pensée très forte qui ne prétend d’ailleurs pas être originale : une sorte de mise en évidence du message biblique par un effet de stylisation et de simplification.
La présentation de cette pensée nous semble très utile dans ce cours parce qu’elle permet de saisir, depuis leur origine, la mise en place des systèmes religieux : les interdits, les rites, les sacrifices. René Girard est maintenant cité par la plupart des auteurs. Nous voulons présenter ici le résumé de sa pensée, en particulier en ce qui concerne le monde religieux.
Une stimulation très forte pour la théologie
Ce qui rend la présentation de René Girard si agréable, c’est qu’il aide à comprendre, par quelques équations assez simples finalement (pourvu qu’on ait eu l’intuition de son système de pensée) certaines phrases de Jésus ou certaines affirmations de la théologie qui sont des plus obscures. Par exemple « vous êtes des tombes blanchies… », « Les pères ont tué les prophètes, les fils leur construisent des tombeaux… », « La lumière a lui dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas accueillie… ». Tout le dogme du péché originel se trouve éclairé. La comparaison du logos d’Héraclite et du logos de saint Jean est très pertinente, la différence fondamentale de la logique de Jésus avec celle de la logique du monde est exposée de façon claire et précise. La passion elle-même, comme lieu du dévoilement est présentée de façon rarement égalée ailleurs. Sans parler du commentaire du livre de Job, qui me semble ne pas avoir d’équivalent. Le titre de ce livre, La route antique des hommes pervers ne guide malheureusement pas beaucoup pour comprendre ce dont il s’agit.
Une pensée qui touche à tous les domaines de la vie
René Girard est un intellectuel universitaire. Il a fait une grande partie de sa carrière à l’université de Standford, aux USA, et il ne vise pas un public de chrétiens convaincus mais un public cultivé. Il veut manifester que la Bible et l’ensemble du message judéo-chrétien est en quelque sorte expulsé de la culture officielle. Citer Freud, le complexe d’Oedipe, ou Nietzsche et l’éternel retour, peut être reçu dans les milieux académiques. Il s’agit pourtant de légendes, de mythes, et ne ressemble en rien aux sciences ‘dures’. Mais citer la Bible est toujours inconvenant. C’est pourquoi Girard avance en se cachant. Il essaie de contourner les défenses déjà établies par un rejet a priori et systématique, pour manifester tout d’abord la force de ‘ses’ idées, avant de révéler qu’elles ne sont pas siennes et qu’il les a puisées dans la Bible. C’est ainsi qu’il a d’abord publié La violence et le sacré avant Des choses cachées depuis la fondation du monde .
Le message chrétien concerne tous les domaines de la vie. La pensée de René Girard, qui ne veut être autre chose qu’une mise en relief de la pertinence du message évangélique (par exemple du fameux « si l’on te frappe sur la joue gauche, tend l’autre joue »), prétend dévoiler les fondements de toutes les institutions humaines, la justice, le pouvoir, l’économie bien entendu, mais aussi la domestication des animaux, l’organisation des fêtes, les rituels, les interdits, en passant par la littérature. En ce dernier domaine, ses commentaires de Dostoïevski, de Proust, de Shakespeare, sont devenus incontournables. René Girard agace certains intellectuels contemporains. Seraient-ils jaloux ? Cela aussi peut être compris à travers ses propres intuitions…
Repères biographiques
René Girard, philosophe et anthropologue, est né en Avignon le 25 décembre 1923. De 1943 à 1947, il étudie à l’Ecole des Chartes et obtient le diplôme d’Archiviste-Paléographe. A partir de 1947, il vit aux USA où il enseigne dans diverses universités. Depuis 1986, il est professeur de Littérature comparée à l’Université de Standford (Californie). Ses ouvrages ont été traduits dans le monde entier, depuis le premier, Mensonge romantique et vérité romanesque, Grasset, Paris, 1961. Dans son livre, Celui par qui le scandale arrive, D.D.B., Paris, 2001, il revient sur sa conviction que la Croix, la mort du Christ, annonce la victoire sur les mythes et régressions les plus archaïques.
PLAN DETAILLE DU COURS
1ère étape I. INTRODUCTION A LA PENSEE DE RENE GIRARD
A. Une pensée systématique
1. Une œuvre gigantesque et complexe :
2. Un système :
3. Deux portes d’entrée :
4. Une stimulation très forte pour la théologie :
5. Une pensée qui touche à tous les domaines de la vie
B. Des thèmes très divers, mais une pensée très unifiée :
1. « Je suis Celui que tu persécutes ! »
2. Un message caché et rejeté :
II. ETUDE ANTHROPOLOGIQUE
A. Les textes de persécution.
1. Le contexte historique :
2. Le genre littéraire
B. Les Mythes et les Rites
1. Les Mythes.
2. Les Rites.
C. L’imitation, source de conflits, de violence.
1. L’imitation positive
2. L’adjectif ‘imitateur’ peut être péjoratif
3. L’imitation peut être source de conflit
III. COMMENT LA VIOLENCE EST-ELLE REGULARISEE ?
A. L’escalade de la violence
1. Chez les animaux, la rivalité mimétique est limitée.
2. Chez l’homme, l’imitation et la rivalité mimétique deviennent trop forts
3. La pseudo explication par l’agressivité
4. La régulation de la violence mimétique
B. La crise mimétique et le sacrifice.
1. Un moment de crise générale
2. Une imitation réciproque
3. La violence n’est pas d’abord le fait d’un acte isolé
4. La raison du conflit est oubliée
5. On peut adopter une attitude unanime : le rejet
2ème étape : LE SACRIFICE, AU CŒUR DE LA CULTURE
I. SOURCE DES RITES ET DES INTERDITS
A. Les interdits
B. Les rites
II. LES VICTIMES
A. Le mécanisme victimaire est toujours inconscient
B. La victime est transfigurée
III. QUELQUES EXEMPLES D’INSTITUTIONS CULTURELLES
A. La fête, transgression des interdits
B. La domestication des animaux
IV . CRISE DU MECANISME VICTIMAIRE, CRISE DU MECANISME LUI-MEME
3ème étape : LES TEXTES JUDEO-CHRETIENS
I. LECTURE DES TEXTES A LA LUMIERE DE LA THEORIE MIMETIQUE
A. Leur originalité
B. L’histoire de Joseph. (Des choses cachées p. 173)
C. Job.
D. Le sacrifice d’Isaac.
E. Le jugement de Salomon.
II. AU DELA DE L’ETHIQUE : UNE QUESTION DE SURVIE
A. Les Béatitudes, alternative à la violence ;
B. Que signifie « renoncer à la violence » ?
C. Une nouvelle lecture de la Passion et des textes apocalyptiques
D. Comment les évangiles révèlent-ils le mécanisme de la violence ?
III. L’AVENIR : L’UTOPIE OU LA MORT !
A. Le message est inscrit en grosses lettres dans les faits
B. La science et les techniques
C. L’explosion finale est différée.
4ème étape La Justice et le Sacré
I. PRESENCE DU SACRE DANS LA JUSTICE AUJOURD’HUI
A. Les bâtiments, l’architecture
B. Les vêtements, le temps
C. Pourquoi cette présence du religieux ?
D. Des déclarations qui sont des actes
E. Il n’est pas suffisant de dire que la ritualisation est nécessaire
F. Regard sur le passé : le rituel
G. Faut-il désacraliser l’exercice du droit ?
II. LES SOCIETES SANS ETAT, DAVANTAGE RITUALISEES
A. Le système judiciaire suppose l’Etat
B. Le conflit permanent
C. La vendetta
D. Symétrie de la violence
E. Eviter la vengeance
F. Conclusion
5ème étape Désir, violence, mimésis
I. VIOLENCE DU DESIR
A. Le désir selon l’Autre
B. La violence fondatrice
C. L’économie remplace le sacré
D. L’être et la distinction
II. LES AVATARS DE LA MIMESIS : LES TROIS MONDES
A. Les Trois Ordres
L’ordre rituel
L’ordre impérial
L’ordre marchand
B. Raison et séduction des Trois Mondes
Indications bibliographiques
6ème étape La monnaie
I. INTRODUCTION : Ce que vous n’avez jamais osé demander à un économiste
A. A quoi sert réellement la monnaie ?
B. Une question de gros et petits sous
II. UN CONTE EDIFIANT ET HAUTEMENT EDUCATIF.
III. UN CONTE IMMORAL MAIS TRES EDUCATIF
IV. CONCLUSION Les conséquences des deux versions
7ème étape : Désordres alimentaires et désir mimétique
I. Les désordres alimentaires ont une dimension épidémique
II. La faillite des théories modernes
III. Le besoin de sens commun
IV. L’exercice
V. La nature mimétique des désordres alimentaires modernes
VI. Un parallèle anthropologique : le potlatch
VII. Une brève histoire de la diète compétitive
VIII. Notre distorsion anorexique du passé
IX. La culture de l’anorexie
Travaux cités
8ème étape : Islam entretien de R. Girard avec H. Tincq
I. CONVERGENCE ET RESSEMBLANCE AVEC L’OCCIDENT
II. FASCINATION POUR LE SACRIFICE
III. COMBATTANT GUERRIER / VICTIME INNOCENTE ?
IV. L’AUTOCRITIQUE OCCIDENTALE
9ème étape : Job
I. JOB, UNE QUESTION
A. Histoire de Job
B. Identité du dieu et de la foule : vox populi, vox dei
B. Monarchie et sacrifice
II. JOB ET LE MAL
A. Job était aimé, voire idolâtré. Il était le modèle, celui à qui tout réussit.
B. Le récit bascule : Job est pris au piège.
C. Le rôle joué par Job
D. La cause est du côté du lien entre la violence et le sacré.
E. Pourquoi les amis de Job sont-ils sourds ?
F. La théologie de Job et celle de ses amis
10ème étape : Les origines de la culture / René Girard
A. DIVERS
1. Désir mimétique dans la Bible
2. Prométhée
B. MECONNAISSANCE DU MECANISME
1. La consommation
2. Pour ou contre la victime ?
4. La Passion d’Œdipe
5. Sacrifice comme meurtre, sacrifice comme acceptation de la mort.
C. SATAN
1. Semer, c’est enterrer
2. La religion est une structure sans sujet
3. La théorie mimétique et la philosophie
D. LA FONDATION DE ROME
1. La mort de Romulus
2. Méthode