DOMUNI UNIVERSITAS

E-séminaire : L’intelligence artificielle et ses enjeux (SEM117)

E-séminaire : L’intelligence artificielle et ses enjeux (SEM117)

L'intelligence artificielle, qui n'était autrefois qu'un rêve lointain, fait désormais partie intégrante de notre vie quotidienne, influençant tout, de la façon dont nous communiquons à la façon dont nous comprenons le monde qui nous entoure. Son développement rapide soulève des questions qui dépassent les domaines de la science et de l'ingénierie. Elles touchent à l'essence même de l'être humain, à la nature de l'intelligence et aux dimensions éthiques de la création d'entités capables de penser et d'apprendre. Voici ce que ce séminaire explore.

Code du cours: SEM117

Professeur : Didier Peters

Description

Nous explorerons plusieurs défis philosophiques clés posés par l'IA. Nous nous pencherons sur ces défis en nous inspirant de la philosophie, de l'informatique, de l'éthique et d'autres disciplines. Notre objectif n'est pas seulement de comprendre les avancées technologiques de l'IA, mais aussi d'examiner de manière critique leurs implications plus larges pour notre société et nos valeurs.

La première séance interrogera la notion même d’intelligence. Est-elle réductible à un ensemble de fonctions cognitives ? Existe-t-il une essence universelle de l’intelligence ? À travers une pluralité de définitions (Larousse, Gagné, Wikipédia), nous verrons comment l’intelligence échappe aux tentatives de normalisation, et pourquoi cette indétermination pose problème lorsqu’il s’agit de « simuler » l’intelligence par des moyens techniques. Cette étape soulèvera aussi les enjeux épistémologiques de la catégorisation : l’intelligence est-elle une fonction naturelle, un construit social, ou un processus émergent ? Ces questions serviront de base pour comprendre les débats contemporains sur l’IA.

Nous aborderons ensuite la distinction canonique entre IA faible et IA forte. L’IA faible, omniprésente dans notre quotidien (recommandations, chatbots, GPS…), est performante, mais spécialisée. L’IA forte, elle, reste hypothétique, mais ses implications nourrissent les fantasmes d’une machine consciente, dotée d’une compréhension globale du monde. Cette étape questionnera les glissements sémantiques entre performance technique et intelligence réelle. En quoi la capacité d’une IA à générer du langage ou à vaincre un joueur d’échecs peut-elle être assimilée à une « pensée » ? Que perdons-nous à confondre calcul algorithmique et cognition humaine ? Nous explorerons ici le risque d’anthropomorphisme et les projections idéologiques que l’IA suscite, dans le sillage des critiques formulées par Hubert Dreyfus ou John Searle.

Puis, le séminaire mobilisera le concept whiteheadien de « sophisme du concret mal placé » pour dénoncer l’erreur consistant à confondre un modèle avec la réalité qu’il est censé représenter. Cette erreur est courante dans les discours sur l’IA : les systèmes neuronaux ne sont pas des cerveaux, les statistiques ne sont pas des intentions, et les performances ne sont pas des compréhensions. Cette séance aura une forte dimension critique. Elle montrera comment les abstractions scientifiques — utiles pour construire des outils — deviennent dangereuses lorsqu’elles sont perçues comme ontologiquement vraies. Nous analyserons notamment l’analogie cerveau-machine et la théorie computationnelle de l’esprit.

Enfin, la dernière séance est la plus prospective et la plus métaphysique. Elle propose une alternative radicale au paradigme substantialiste classique : concevoir l’intelligence artificielle non plus comme un objet, mais comme un processus — une relation en devenir, située dans une temporalité vécue et non simplement mesurée. S’appuyant sur la philosophie du processus (Bergson, Whitehead, Deleuze), cette réflexion explore la possibilité de sortir de la dichotomie sujet/objet. L’IA n’est alors plus une entité extérieure manipulant des données, mais un agent du devenir humain lui-même. L’humain et la machine ne sont plus deux substances, mais deux figures en co-émergence dans un même flux d’interactions. Cette approche invite aussi à repenser la temporalité de l’IA, à partir de la notion de durée (Bergson) : il ne s’agit plus de mesurer ce que fait une IA à tel instant, mais de comprendre comment l’expérience de l’IA s’inscrit dans un devenir historique, vécu et interprété.

En résumé, ce séminaire invite à une prise de recul critique face à l’enthousiasme technologique contemporain, en rappelant que les concepts qui structurent notre compréhension de l’intelligence artificielle ne sont ni neutres ni évidents. À travers une approche philosophique exigeante, parler d’« intelligence artificielle » suppose une redéfinition implicite de l’intelligence elle-même, souvent fondée sur des modèles abstraits, mathématisés et décontextualisés de l’activité humaine. En ce sens, l’IA n’est pas seulement un objet technique, mais un révélateur des présupposés que nous portons sur la pensée, le langage, la conscience et la connaissance.

Le recours à la philosophie du processus, en fin de parcours, ouvre une alternative stimulante à l’objectivation mécaniste : en considérant l’IA comme un devenir relationnel, on peut penser son intégration dans l’expérience humaine sans la réduire à un simple outil fonctionnel. Une telle démarche permet d’articuler éthique, technique et métaphysique, et constitue une base féconde pour de futures recherches philosophiques sur la technologie.

Objectifs

  • Interroger la notion d’intelligence à partir de ses usages multiples, en croisant psychologie, informatique et philosophie.

  • Comprendre les distinctions fondamentales entre IA faible et IA forte, ainsi que leurs implications techniques, sociales et épistémiques.

  • Analyser les erreurs de raisonnement conceptuel, en particulier le sophisme du concret mal placé, dans l’interprétation des modèles IA.

  • Explorer des approches philosophiques alternatives, notamment la philosophie du processus, pour penser l’IA autrement qu’en termes d’objets techniques.

  • Encourager une réflexion critique et éthique sur l’usage, les limites et les conséquences de l’intelligence artificielle dans nos sociétés. 

Acquis de l’apprentissage

  • Capacité à problématiser le concept d’intelligence et à en identifier les enjeux épistémologiques et philosophiques.

  • Maîtrise des distinctions entre types d’IA et compréhension de leurs fondements théoriques.

  • Analyse critique des modèles et représentations de l’IA, en évitant les confusions entre abstraction et réalité.

  • Mobilisation de références philosophiques (Bergson, Whitehead, Dreyfus, etc.) pour élaborer une vision nuancée et non techniciste de l’IA.

Modalités pédagogiques

Le séminaire se déroule à distance sur la plateforme d'enseignement de Domuni. Chacun se connecte à son heure et travaille à son rythme selon le calendrier défini.

Chacune des 4 étapes dure deux semaines.

  • Lors de la semaine #1 de l'étape, sur la base de textes et d'une problématique soumis par le professeur, l'étudiant est invité à préparer une contribution structurée, selon les consignes en vigueur (environ 4 000 caractères, espaces compris). Ces contributions, écrites dans votre logiciel de traitement de texte, doivent être postés sur le forum en cours avant la fin de la semaine #1 de l'étape.

  • La semaine #2 de la même étape est consacrée au débat et à la discussion, sous la supervision du professeur.

La note finale tient compte de la qualité des 4 contributions obligatoires et de la présence lors de la phase de débat.
Vous devez prévoir au minimum 7 h de travail personnel par étape.