Chrétiens d’Orient – Périple au cœur d’un monde menacé
Vincent GELOT
Le 7 août 2012, un jeune homme de 23 ans, Vincent GELOT, quitte le territoire national en direction de Beyrouth à bord d’une 4L Savane un peu sur le retour. Ce projet avait été pensé et médité au Liban alors qu’il terminait un Mémoire de master en droit humanitaire. Il est familier de grands auteurs et des grands noms liés aux voyages et à l’Orient (Joseph Kessel, Blaise Cendras…). Au Liban, il commence à se familiariser avec l’Orient chrétien et ses diverses communautés chrétiennes. Un monde s’ouvre peu à peu à lui, et une soif grandit… « Je veux boire à la source mystique des Pères du désert et mordre au fruit défendu. Je veux, ou je veux, me battre pour quelque chose de beau et de puissant ». A cette époque, il y croise aussi les premiers réfugiés syriens et irakiens.
C’est ainsi que se prépare ce voyage de plus de deux ans au cœur de l’Orient. De retour en France, son désir est de rejoindre le Pays des Cèdres à l’occasion de la venue du Pape Benoît XVI (dernier voyage apostolique du pontife romain puisque peu après il démissionnera de sa charge pastorale de Successeur de Pierre sur le Siège de Rome).
La voiture qui arrive sur le continent asiatique est plutôt rigolote du fait de son aspect bariolé de dessins et de symboles nombreux. C’est sûr, il ne passera pas inaperçu ! C’est sans doute ce qu’il veut : attirer l’attention sur lui, pour mieux attirer le regard sur les communautés chrétiennes d’Orient. Le jeune homme décontracté est plutôt décidé. La 4L renferme un « trésor » confectionné par les Bénédictines de l’abbaye de Maumont afin de recueillir les témoignages des communautés et des chrétiens d’Orient qu’il rencontrera tout au long de ces mois de voyage. Soixante mille kilomètres et une vingtaine de pays visités ! Le récit de cette épopée des Temps modernes fait l’objet d’un livre paru en septembre 2107 aux Editions Albin-Michel. Il s’intitule : Chrétiens d’Orient, périple au cœur d’un monde menacé. C’est un livre qui pèse… Il n’est pas lourd, mais il pèse non seulement à cause du poids mais surtout en raison de la profondeur des témoignages, des photos, des morceaux de vie et d’espérance qui y sont enfermés…, non pas comme un « trésor » mais comme un témoignage qui se donne et qui se murmure délicatement. Les auteurs de ces lignes ont écrit à chaque étape une page en arabe, en farsi, en amharique. Le Pape François, lui aussi, participera à cette odyssée en y apposant son témoignage de foi et de gratitude. Il est exposé à l’Institut du Monde Arabe, à Paris, à l’occasion de l’exposition sur les Chrétiens d’Orient. Ils ont tous en commun d’avoir souffert, mais aussi d’avoir su espérer. Leur espérance et leur foi, leurs sourires, leur hospitalité sont des valeurs que nous aimerions tant retrouver chez nous !
Tout ne fut pas de tout repos et si paisible que cela. Il affronte comme dans une course du monde en solitaire tout ce qui vient à lui. Et justement, comme sur un bateau qui vogue sur les eaux parfois tumultueuses, c’est la solitude qui se fait parfois le plus ressentir. Il accueille ce qui vient comme on le fait au Proche et Moyen-Orient. La Providence veille sur lui et sur son entreprise ; et Dieu est toujours là aujourd’hui et demain « inch’Allah ! ». Il sera présent dans diverses situations un peu contraignantes : quand il effectuera un détour de quelques milliers de kilomètres pour rejoindre l’Afghanistan. Quand il sera en panne de voiture ou accidentée, et devra mettre son véhicule sur un train… quand il sera hospitalisé en Iran après avoir été mordu par des chiens… quand il perdra son Passeport ou qu’il goûtera à l’hospitalité des prisons yéménites. Un peu de piment, quoi ?!? C’est à peine croyable !
Il prend des risques qu’il a, d’ailleurs, assumé avant son départ. « Je pars. Tu es fou ! On me reproche de fuir, de poursuivre des chimères, de courir à ma perte. En Irak, c’est la guerre… C’est de la folie. Je n’en sais rien. Je pars. Je pars à la rencontre des chrétiens ».
On le suit en Iran, puis en Arménie, en Turquie, au Liban, en Syrie, en Irak, en Jordanie, en Ethiopie… ; et là on change de plan, d’atmosphère, de latitudes. On entre encore plus loin. Vincent GELOT nous entraîne en Ouzbékistan, au Kazakhstan, au Turkménistan, au Tadjikistan, Kirghizistan, en Azerbaïdjan… Au fil des kilomètres, il rencontre également des communautés musulmanes. En les rencontrant, il approfondit à contre-point sa connaissance des chrétiens eux-mêmes. Ça lui permet aussi de voir les liens, de lever des incompréhensions, de rectifier des points de vue, de vérifier aussi des proximités. Ils sont tous citoyens d’un même pays, parlant souvent la même langue et partageant une même culture. Des musulmans ont écrit aussi dans le « grimoire » des Bénédictines. A Oman, l’un d’eux affirme : « Beaucoup de musulmans ne veulent pas du départ de leurs frères chrétiens. Déjà parce qu’ils ont le droit d’être là mais aussi parce qu’ils apportent beaucoup de choses au pays ». Car en n’en pas douter, Vincent pense également que leur départ serait un désastre…
Ces chrétiens sont marqués par la Croix et par le Mystère de la souffrance qui lui est corrélée. C’est aussi une communauté de foi et de martyrs. On les connaît mal en Occident. On connaît mal leurs cultures, leurs langues, leurs liturgies. Pourtant, ces frères chrétiens vivent souvent avec nous et proches de nous !
Ce voyage prend fin devant les Portes de Jérusalem où chacun, dit-on « est né là-bas ». Tout a commencé dans la Ville Sainte, et Tout à la fin y sera réuni en un seul mouvement christologique et salvateur, au Jour où le Seigneur - dans sa Parousie -reviendra… On retient son souffle…
Ce périple a bouleversé sa vie. Vincent GELOT n’est pas un aventurier. Il n’ pas été porté par les pages de René Barjavel, et n’essaye pas de vivre comme jadis la famille Mahuziers. Il a les pieds sur terre. Il est reparti en 2014 en Irak. Il y reste pratiquement un an et demi pour y créer, avec l’aide et le soutien de « l’Oeuvre d’Orient » et de la Fondation Raoul Follereau, la Radio de la Paix – Radio Al-Salam. Aujourd’hui, il vit au Liban avec sa femme et son bébé. Il est devenu responsable des Projets pour l’Œuvre d’Orient dans cette partie du Proche-Orient. Il est souvent en déplacement en Jordanie, Syrie, Liban, et…
Ce livre est joliment ornementé par des routes, une carte, des visages, des textes avec des explications, beaucoup de photos avec des sourires et des paysages. Ce livre est à ravir. Il fera du bien aux jeunes comme aux plus âgés. Il donnera sans doute à quelques-uns le goût du voyage, et surtout le goût de connaître plus en profondeur les Chrétiens d’Orient. Qui sont les chrétiens d'Orient ? Quelles sont leurs réalités ? Sont-ils partout menacés et persécutés ? "C'est vrai, dit-il, qu'il y a une menace qui pèse sur l'existence de ces communautés surtout en Irak et en Syrie. Avant même l'Etat islamique. Pour les autres pays, il y a des discriminations mais ce ne sont pas uniquement des victimes, ils participent à la vie du pays. J'ai assisté à beaucoup de moments heureux."
Une mention plus que nécessaire au Directeur Général de « l’Œuvre d’Orient », Mgr Pascal GOLLNISCH, qui préface ce livre. Laissons-lui la parole puisqu’elle touche autant que ce beau livre : « L’enjeu de cet ouvrage est bien de montrer la proximité de nos frères d’Orient. Mais encore de faire naître des vocations. L’Orient est en quelque sorte l’affaire de la jeunesse, car, à l’échelle du monde, l’Orient chrétien est notre village. Le monde de demain ne pourra se construire que par et avec lui. Le découvrir et le rencontrer est faire Œuvre prophétique ».
Patrice Sabater, cm
23 décembre 2017
Vincent GELOT, Chrétiens d’Orient – Périple au cœur d’un monde menacé. Editions Albin Michel. Paris, septembre 2017. 272 pages. 49 €