De l'Orient à l'Occident. Orthodoxie et catholicisme
Père Placide DESEILLE
Père Patrice Sabater, cm
Il est sans doute louable et remarquable de penser que notre temps vit une nouvelle Pentecôte, un don de l’Esprit Saint donné au monde et aux différentes Eglises. Une conjonction de faits et d’accession de nouvelles personnalités de premier plan marquent ces temps nouveaux et favorables pour jeter des ponts d’amitié, de rencontres et de réflexions entre les Eglises-Sœurs. Les nombreuses rencontres de ces dernières années entre les derniers Pontifes romains et les Patriarches des Eglises d’Orient marquent de toute évidence ce temps béni. Cependant, les conjonctions ne s’arrêtent pas là, il faudrait aussi ajouter toutes celles qui ont eu lieu entre les Patriarches et les évêques d’Orient en communion avec le Siège de Rome et les autres Patriarches et évêques des différentes Eglises Orthodoxes. En dehors des rencontres fraternelles et historiques du Pape François avec les Patriarches Bartholoméos 1er et Cyrille de Moscou, il conviendrait de pointer les Accords signés, l’ouverture d’un Séminaire russe dans la périphérie de Paris, les liens universitaires, et la recherche continue et fraternelle entre les divers Instituts et lieux qui ont fait avancer l’œcuménisme ces dernières années (Institut Saint Serge, Le Groupe des Dombes, Chevetogne, les monastères d’Aubazine et de Solan…).
Le livre que nous proposent les Editions des Syrtes s’inscrit dans le même mouvement œcuménique. Il s’agit d’un livre du Père Placide DESEILLE, décédé en janvier 2018 à l’âge de 91 ans. Son parcours personnel est remarquable. Il devient moine de l’abbaye cistercienne de Bellefontaine en 1942, à l’âge de seize ans. Avec des moines, il fonde en 1966 un monastère de rite byzantin à Aubazine en Corrèze. En 1977, les moines décident de devenir orthodoxes. Ils sont reçus dans l’Église orthodoxe le 19 juin 1977 et, en février 1978, ils deviennent moines du monastère de Simonos Petra au Mont Athos. Ils sont, par la suite, envoyés en France par leur archimandrite. Le Père Placide sera avec ses condisciples les pierres angulaires du futur monastère de la Protection de la Mère de Dieu (actuellement monastère de Solan). Le Père DESEILLE enseigne également la Théologie patristique à l’Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge à Paris. Voici donc un homme qui fut toute sa vie un homme de prière, mais aussi un enseignant et un père pour ceux qui sont venus vers lui. Il fut aussi un pont entre l’Orient et l’Occident. Bernard Le CARO affirme à son sujet que le Père Placide « porte en Occident, depuis plus de quarante ans, le témoignage de la Tradition de l’Eglise des dix premiers siècles… Sa démarche n’a pas été de se tourner vers « l’Orient » en tant que tel, mais de s’abreuver aux sources d’eau vive des saints Pères… ». C’est donc un vrai parcours de Théologie dogmatique et de Théologie spirituelle que le lecteur fera avec les Pères de l’Eglise indivise. Après avoir retracé son parcours spirituel, il nous fait partager son amour de l’Eglise, mais aussi ses questions, ses interrogation et ses joies; par exemple, au moment de l’ouverture du Deuxième concile œcuménique du Vatican.
Ce livre est une synthèse de théologie au fil d’une vie toute donnée et abandonnée aux motions de l’Esprit. Composé de divers articles, brochures et feuillets imprimés par son monastère, cet ouvrage consistant permet de comprendre, selon le Père Placide, comment et pourquoi les deux Eglises se sont séparées et ensuite, petit à petit, éloignées. C’est un va-et-vient entre deux mondes et deux conceptions spirituelles et théologiques, l’une jusqu’à très peu de temps rejetant le discrédit sur l’autre ainsi que de copieuses anathèmes. L’auteur nous engage à revisiter notre source commune depuis cet Orient qui a évangélisé les rives occidentales de la Méditerranée. Il décrit également comment le monachisme s’est nourri des Pères du Désert, et comment les moines occidentaux en ont été imprégnés. S’il y a certes un début et des points de jonction, il y a aussi des points de rupture manifestes d’avant le schisme avec, par exemple, la pensée de Saint Augustin et, bien sûr, tout le cheminement difficile depuis le 16ème siècle en passant par la Révolution française et, en fin de compte, avec les rapprochements avec les Eglises issues de la Réforme. Sur ce point, on ne boudera pas ses réflexions sur l’œcuménisme… Autre point de discorde et de frottements sensibles : la question de l’Uniatisme.
Si le livre du Père DESEILLE rassemble des points de convergences et de séparation, il ne se referme pas non plus sur lui-même. Les deux derniers moments de ce parcours sont consacrés à l’identité orthodoxe : qu’est-ce qu’être orthodoxe aujourd’hui ? Pour ne pas nous laisser orphelins, et seuls sur le chemin de la vie et des questions qui peuplent notre foi, l’archimandrite nous offre une petite réflexion en guise de conclusion que chaque lecteur d’Occident ou d’Orient pourra goûter à foison. Avec lui, redisons ensemble que « le Christ est l’unique Sauveur qui ait été donné aux hommes par Dieu ». Un livre à conseiller à tous ceux qui veulent être des ponts…, et des lieux de communion.
Patrice Sabater, cm
29 avril 2018
Père Placide DESEILLE, De l’Orient à l’Occident. Orthodoxie et catholicisme. Avant-propos de Bernard Le Caro, Éditions des Syrtes, Genève, 2017. 348 pages. 20 €