Dieu, maître de dialogue
Mgr Youhanna Golta
Père Patrice Sabater, cm
La communauté copte d’Egypte se partage en deux courants politiques. L’un accorde une place importante au devoir de s’ouvrir aux autres... musulmans ; et l’autre courant est plus rétif (voire même opposé). Qu’aurait-il donc de bon à négocier avec les musulmans ? Que peut-il sortir d’heureux pour la communauté chrétienne de s’unir à des Partis musulmans ? La position à la marge du copte n’est pas évidente. Il a fait le choix dans sa grande majorité de faire confiance au Maréchal-Président, le soutenant ainsi comme nouveau Rais. Choisir, c’est donc laisser de côté. C’est tourner le dos aux Frères musulmans pour s’allier à celui qui donnera le plus de champ au respect, à la liberté de culte... Au cœur de l’Egypte meurtrie par la pauvreté et les soubresauts politiques d’une révolution arabe qui a peine à trouver un chemin d’avenir, un évêque copte catholique – évêque patriarcal - propose un scénario possible mais toujours délicat en trois parties pour tisser les liens d’un dialogue entre chrétiens et musulmans. Le livre « Dieu, maître de dialogue », dont il est question ici est de Mgr Youhanna Golta. Il est prêtre depuis 1960 et évêque depuis 1986. Il est professeur d’islamologie et de langue arabe. Les Editions Parole et Silence soumettent au lecteur un chemin pour entrer, au fil des pages, dans une relation à Dieu qui ne se comprend que dans le don de lui-même, dans l’échange et l’inter relation qu’il tisse avec ceux qui le conjuguent avec d’autres mots.
La première partie de l’opus est composé de différents textes émanant de conférences, sessions, allocutions ou articles, qui exposent les prolégomènes du dialogue entre chrétiens et musulmans dans un univers où se brassent les religions. La dimension humaine et spirituelle consonne à la fois comme un lieu de défi au discours religieux, et un appel au dialogue. Ce chemin pourrait être un « pont » véritable « pour parvenir au monde de Dieu » quoique freiné par des lieux de renoncements ou de crainte. « J’ai toutes les raisons de croire que la pensée arabe ne s’est pas encore réveillée de ce cauchemar qui a pour nom « la peur » ». (p 74)
Dans la deuxième partie, Mgr Golta essaye de mettre en exergue les traits de lumière entre les deux religions dans le contexte de l’Orient. Si les deux grandes religions ont toujours été en conflit, il n’en reste pas moins que l’humanité partagée appelle l’Homme-confessant à œuvrer pour une humanité nouvelle au 21è me siècle. Aussi, au-delà des apories relatives aux difficultés essentiellement théologiques, le chrétien porte un « rôle d’éclaireur spirituel » pour avancer dans la voie du renouveau. Il est « lumière du monde et sel de la terre ». Le disciple du Christ a porté le flambeau de la « nahda », de la culture ; et a permis en quelque sorte d’accéder au développement social.
Ce dialogue, ici prôné, passe tout d’abord par ce qui unit au creuset d’un même terreau culturel plutôt que ce qui divise. Chacun peut approfondir son « esprit d’appartenance à la patrie », en privilégiant en première instance « le dialogue de la vie ». Le chrétien peut favoriser ces ponts jetés entre les deux civilisations. Cette relation d’échanges et de confrontations en vue du dialogue engage également les deux parties à œuvrer pour la justice, la citoyenneté partagée et les droits de l’Homme. Dans cette perspective, les chrétiens d’Egypte peuvent apporter une vitalité au dialogue, en œuvrant pour la paix, en portant un regard d’émerveillement sur le patrimoine commun, et en optant résolument pour « un dialogue continuel de Dieu » avec les fils d’Abraham. La troisième partie de cet ouvrage fait écho à la place prépondérante des chrétiens d’Orient dans ce dialogue, d’abord entre familles chrétiennes séparées, en rappelant ses fondements historico-théologiques et en agissant au cœur des épreuves pour les dépasser afin de vivre une « nouvelle pentecôte ».
Le dialogue avec l’autre ne peut s’établir s’il y a déjà une volonté pour la paix, pour la quête de ce que Dieu Unique désire pour les Hommes de bonne volonté. « Dieu est le maître du dialogue depuis la création de l’Homme » (p 206). Il ne sert de parler au cœur de l’Homme. « Le dialogue religieux est une prière avant d’être l’expression d’une philosophie ou d’une doctrine » (p 206). Mgr Golta termine son livre par cette simple prière : « Puisse notre dialogue ressembler au dialogue du Christ, doux et humble de cœur ». (p 207) Accompagnons cet évêque copte catholique dans cette prière afin qu’elle devienne réalité ! Un livre à partager...
PS.
Mgr Youhanna Golta, Dieu, maître de dialogue. Ed. Parole et Silence. Paris 2010. 214 p . 17 €
Crédit photo : BlogCopte