Je vous écris de la Terre Sainte
David Neuhaus
Patrice Sabater, cm
Le Père David Neuhaus, prêtre de la Compagnie de Jésus (jésuite), est à l’image de ce pays irrigué par des peuples différents, des nationalités d’origines différentes, des juifs venus du monde entier, principalement depuis la création de l’Etat d’Israël en 1948. Le Père Neuhaus est israélien. A l’âge de 15 ans, il quitte l’Afrique du Sud, sa terre natale (1962), pour arriver avec sa famille en Eretz Israel. Comme le Cardinal Jean-Marie Lustiger, il est juif… Il se convertit au christianisme. Baptisé en 1988 et ordonné prêtre en 2000 ; il est aujourd’hui Vicaire du Patriarcat de Jérusalem pour la communauté hébraïque francophone et pour les migrants. On action s’accomplit avec le temps auprès des Patriarches qui se sont succédés sur le Siège de Jérusalem. Son caractère, sa personnalité, son histoire, son adhésion à la pluralité et au dialogue militent largement pour lui sur cette terre multiple et, ô combien disputée !
L’ouvrage du Père Neuhaus se présente en trois parties : la première présente la Terre Sainte aujourd’hui, traitant à la fois des chrétiens en Terre Sainte et de la vie en Israël. La seconde partie décrit les relations entre les juifs et les chrétiens. Il y expose notamment les communautés catholiques hébraïques en Israël, dont il est l’accompagnateur en tant que Vicaire patriarcal. En fin d’ouvrage, dans une troisième partie, l’auteur reprend un de ses thèmes favoris en essayant de comprendre les liens entre la Bible et la Terre Sainte. Il s’appuie à la fois sur les Documents du deuxième Concile œcuménique du Vatican, et sur des textes de théologiens reconnus.
Faut-il le répéter, les chrétiens représentent aujourd’hui seulement 2% de la population totale. Le Père Neuhaus s’attache à demander à ce petit peuple de rester attaché à ses terres ancestrales mais surtout aux raisons significatives de ce lien à cette terre « rendue sacrée par l’histoire du salut ». Ce « petit reste » a selon lui un rôle de première instance sur cette terre. Les voyages successifs des trois derniers Papes viennent appuyer cette intuition fondamentale qui donne matière au dialogue et à l’espérance sans lesquels il ne peut y avoir de paix ni de solutions pacifiques. C’est à partir de ce socle vécu au quotidien que les exigences d’égalité, de citoyenneté et de justice peuvent avoir des chances d’exister…
L’auteur est également confronté, en tant que juif converti, aux mêmes réalités que le Cardinal Jean-Marie Lustiger au sujet du salut des juifs ; ce qui n’est pas sans nous rappeler le bel ouvrage de Léon Bloy. C’est, ici, la personne de Jésus comme Seul Sauveur, nouvel Adam, nouveau Moïse et nouveau David qui est en question. Comment le Fils de Dieu, l’Un de la Trinité Sainte peut-il être saisi, compris, accepté et rejoint par le Peuple hébreu ? Y aurait-il, ici, une impossibilité de fond parce que les chemins ne pourraient se rejoindre ? Avec des arguments théologiques, le Vicaire patriarcal, essaye de dénouer les fils pour proposer une vision cohérente et acceptable par les deux parties.
Dieu a placé deux peuples et trois religions sur cette terre pour prier l’Unique Seigneur et Créateur de toute chose, pour se parler, pour s’apprécier, pour chercher ensemble la paix et la concorde ; et non pas pour s’entretuer. La lecture qu’il fait en fin d’ouvrage du Livre de Josué pourrait nous aider, en Occident, à mieux en comprendre le sens. De façon renouvelée, il pourrait également permettre aux trois religions monothéistes de Terre Sainte (et plus largement) d’arriver à trouver les chemins de la vérité, du pardon…, et du dialogue.
Patrice Sabater, cm
15 mai 2017
David Neuhaus, Je vous écris de la Terre Sainte. Ed. Bayard. Paris, 2017. 496 pages. 22,90 €
Crédit photo : Kirche in Not