DOMUNI UNIVERSITAS

Jean-Claude Lavigne, Pour qu'ils aient la vie en abondance

2 juin 2014 | resena
Jean-Claude Lavigne, Pour qu'ils aient la vie en abondance

Recension de Jean-Claude Lavigne, op, Pour qu'ils aient la vie en abondance, La vie religieuse, par Michel Van Aerde, op

Jean-Claude Lavigne, op, Pour qu'ils aient la vie en abondance, La vie religieuse, (Collection « Perspectives de vie religieuse »), Editions du Cerf, Paris, 2010, 320 p.

Ce livre mérite une recension, non pas parce qu’il cite Domuni à la page 282, ni parce qu’il fait référence à l’une de mes boutades favorites en page 36 (nous n’avons pas fait vœu de chasteté pour être obsédés par notre reproduction !) mais parce qu’il s’agit d’un livre complet, qui fera référence : il fait le tour de la « question » avec courage et grande lucidité mais toujours avec bienveillance et respect. Il s’agit d’une véritable « somme » rédigée par un spécialiste d’une expérience exceptionnelle. Un petit jeu pourrait consister à demander quel aspect de la vie religieuse fut oublié. L’éditeur pourrait proposer de rembourser le prix d’achat en cas de trouvaille, il ne risquerait pas de se ruiner. Tous les aspects de la vie religieuse sont abordés, un par un, de manière systématique et organisée. Si une chose manque, c’est un index des sujets, ou au minimum une table des matières très détaillée, cela permettrait de consulter le livre pour y retrouver, en fonction d’un besoin ponctuel (une retraite à rédiger, une difficulté en communauté, une question personnelle), ce qui est dit des problèmes générationnels, de la jalousie, du rapport à la tradition ou à la hiérarchie etc. etc. Aujourd’hui les programmes de traitement de texte proposent ces outils de travail de manière immédiate et facilitent le travail des éditeurs.

Le plan est rigoureux, en trois parties : Diagnostics – Un écart pour la vie – Advenir. Il faut analyser avec rigueur la situation concrète des communautés religieuses européennes aujourd’hui. La crise est multiforme : vieillissement, tarissement des vocations, mort de beaucoup d’institutions, essoufflement et manque d’enthousiasme… Le phénomène est massif et ne tient pas à une seule raison. Voir la réalité en face, sans culpabilité, avec des chiffres précis, avoir les mots pour décrire cette « vie religieuse » telle qu’elle est ici et maintenant, percevoir les causes et les effets, aide à exorciser une angoisse qui peut paralyser. Il s’agit toujours d’ « une passion à risquer » pour de vivre un authentique prophétisme, mais le prophète biblique n’est pas ce que l’on peut penser à première vue. « Il ne part pas vainqueur » et il rencontre souvent l’indifférence et le rejet. On ne s’érige pas soi-même prophète. Dans ce contexte difficile, JC Lavigne aborde de manière renouvelée la question de la vie religieuse comme « écart ». L’image est traditionnelle : le religieux a été « mis à part ». Mais JCL précise qu’il s’agit d’« un écart fertile ». Cet écart touche toutes les dimensions de la vie « la dimension affective et sexuelle, le rapport aux biens et à la propriété, l’aspiration à dominer et à être admiré… » sans oublier la dimension religieuse elle-même, le rapport à la règle et aux différentes formes de piété. JC Lavigne parle de la vie religieuse « chrétienne » et se réfère au Nazaréen, à « sa posture par rapport à la Loi, par rapport au Temple et au Sabbat, par rapport à son peuple… », un écart au carré en quelque sorte ! L’analyse est subtile et ne se laisse pas enfermer dans les oppositions artificielles (prophétisme et institution, magistère et créativité, rituel et spontanéité, action et contemplation, intensité et durée…). La méditation de l’auteur est personnelle, parfois un peu déroutante, par exemple lorsqu’il commente le combat de Jacob à contre courant du texte qui présente « Israël » comme « fort contre Dieu ». Pour JC Lavigne, les religieux « ne se reconnaissent pas assez forts pour se tenir seuls là où leur désir les appelle » . Qu’apporte la vie religieuse ? La communauté, un accompagnement, une formation, l’objectivité de l’institution, une tradition, un projet partagé…

Jamais JC Lavigne ne cherche à séduire. Il est sans concession, ne dore pas la pilule, ne prétend pas que toute difficulté puisse être sublimée. Le mot ‘difficile’ revient régulièrement. Son ouvrage est à conseiller aux débutants s’ils ont le courage d’envisager sereinement et à l’avance les difficultés. Il ne s’agit pas de les dissuader mais de les aider à se muscler, en leur offrant un certain recul face à des questions délicates et subtiles, en leur fournissant une sorte de cartographie des pays qu’ils ont à traverser. « La vie commune est de l’ordre de l’exceptionnel », il vaut mieux ne pas rêver ! Pas de fusion ni de clonage, tout est considéré, jusqu’aux « communautés monorésidentes », un paradoxe du genre « famille monoparentale sans enfant »... Les desseins de Dieu sont impénétrables ! A moins qu’il ne s’agisse que de l’humain, trop humain ! Dans la troisième partie, JC Lavigne propose une approche « stratégique » qui met l’accent sur le don de soi et sur le devenir. Qui vivra verra, avec abondance et plénitude de joie!

Aller au lien