La Divine Liturgie
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Auteur: Patrice Sabater
Mgr Job Getcha, La divine liturgie byzantine – les cieux sur la terre. Ed. Salvator, Paris 2024. 227 pages (19 €)
Nous ne savions plus ni nous étions au ciel ou sur terre !!!
Mgr Job GETCHA, Métropolite de Pisidie du Patriarcat œcuménique de Constantinople, nous offre un enseignement sur La Divine Liturgie. Il est spécialiste des liturgies orientales à l’Institut catholique de Paris. Il est également co-président de la Commission mixte internationale pour le dialogue théologique entre l’Église catholique romaine et l’Église orthodoxe. A ce titre il est doublement intéressant de lire ce livre qui vient s’ajouter à d’autres ouvrages écrits par des spécialistes universellement connus sur ce sujet et sur la spiritualité orthodoxe : Olivier Clément, Michel Evdokimov, Jean Meyendorff, Paul et Michel Evdokimov, Lev Gillet, Mgr Jean Kovalevsky, Alexandre Schmemann,… et même le poète russe Nicolas Gogol… Il nous permet de nous approcher de l’iconostase et du lieu de la célébration de l’Eucharistie en une célébration selon le rite byzantin en un échange entre l’horizontalité et la verticalité, entre le Ciel et la Terre. Comme le dit un Psaume, « Dieu s’est penché vers la terre » ; ce que nous rappelle un beau chant de la liturgie orientale maronite interprété magnifiquement par Sœur Marie Keyrouz. Job GETCHA revient avec cet ouvrage sur un premier ouvrage sur le même thème (« La divine liturgie byzantine, une manifestation du sublime ». Ed. Mimesis, Paris 2021. 131 pages).
La Divine Liturgie habituelle de l'Église orthodoxe est la Liturgie de Saint Jean Chrysostome. Deux autres Liturgies sont également célébrées pendant l'année liturgique, la Liturgie de Saint Basile de Césarée, célébrée dix fois pendant l'année, et la Liturgie des Saints Dons Présanctifiés, une Liturgie de Communion célébrée en semaine pendant le Grand Carême.
La Divine Liturgie désigne, dans la tradition byzantine, la célébration de l’Eucharistie dans les Églises de rite byzantin. Elle n’est pas seulement le lieu d’une esthétique où tous nos sens sont convoqués (certainement plus que dans la liturgie latine habituelle). Cette liturgie s’origine dans le creuset des pratiques cultuelles juives, des enseignements des Temps apostoliques ainsi que de la pensée des Pères de l’Église. Son seul propos est de refléter la beauté divine qui se révèle à travers la célébration liturgique. Elle est une Théophanie ; c’est-à-dire une manifestation particulière par laquelle Dieu se révèle à nous d’une manière toute particulière permettant de vivre à la fois le Beau et le Bon, entre l’immanence et la transcendance dans un échange « sublimé ». Elle est aussi un trait d’union entre le Christianisme oriental (Églises orthodoxes et les Églises catholiques orientales), et l’Eglise catholique. Par exemple, nous pouvons rapprocher ce lien avec les chrétiens grecs-catholiques-Melkites rattachés à Rome. L’Église melkite est née en 1724 d’une division de l’Église grecque d’Antioche. Une note particulière : La liturgie de l’Eglise melkite grecque-catholique est de rite Byzantin. Elle est célébrée principalement en arabe avec des parties en grec et en syriaque.
Dans cet ouvrage, l’auteur reprend tout le déroulé de la liturgie. Il cherche à expliquer ce que c’est et ce qu’elle contient, sa structure proche de la structure de la messe catholique, et des choses uniques qui sont attachées à la Tradition byzantine. Il y a là une profondeur de sens incroyable. La Divine Liturgie est à la fois une représentation de l’Incarnation et une œuvre salvifique. Ce livre se propose de la faire découvrir à travers son développement historique et les commentaires qu’en ont faits les grands spirituels du monde byzantin. Les premières pages du livre revient sur ce que disent les Légats envoyés par le Grand Prince Vladimir de Kiev décrivant ce qu’ils avaient vécus à Sainte Sophie… une liturgie sur la Terre. Musicalement et l’architecture sacrée est absolument bouleversante. « Nous ne savions plus ni nous étions au ciel ou sur terre, car il n’y a assurément nulle part une telle splendeur ou beauté sur terre. Nous ne pouvons pas vous la décrire. La seule chose que l’on sache, c’est que Dieu habite là parmi les hommes, et que leur office surpasse tous les autres cultes ».
Les 25 premières pages nous donnent une bonne et courte introduction à « l’action divine ». C’est en fait, une introduction à la liturgie byzantine. Ensuite, l’auteur explique les gestes et les chants qui composent la liturgie à la suite de la Cène et de la Croix.
La liturgie fait advenir les Cieux sur la Terre. Elle nous fait sortir du déroulement du Temps. Dans le cycle byzantin chaque liturgie a son heure propre sauf, la Liturgie dans la journée (tôt ou tard). La liturgie emplit tous les temps, et est de tous les temps. L’homme sort de la réalité par la consécration des temps, faisant advenir la Liturgie sur Terre et dans le cœur de l’Homme, et par tout où il ira. Tout est intérieur à Tout. L’Epiclèse que le prêtre appelle sur les dons permet à l’Esprit Saint de venir sur la terre pour opérer un changement pour les fidèles. La liturgie consiste à demander à Dieu de venir sur terre. L’Homme est appelé, et la liturgie lui rappelle qu’il est vivre dans l’Unité, et que tous nous sommes appelés à Dieu.
La vie divine, la communion ne sont jamais individuelles. On ne communie pas seul dans son coin mais c’est tous qui communient ensemble. La Communion est communautaire. On grandit ensemble spirituellement. Unir les Hommes à Dieu en une récapitulation la faisant revenir à sa mission initiale. En fait, c’est ce qui nous appartient à nous à faire advenir en nous-mêmes en nous y joignant : une participation cosmique, individuelle, communautaire, et universelle qui participe à la Communion. On notera que l’auteur s’emploie à citer plusieurs fois un maître de la spiritualité orthodoxe byzantine saint Nicolas Cabasilas (cf. La manne de la tendresse).
A la fin de la célébration les fidèles ont l’habitude de venir adorer la Croix. « Sortons en paix ! Au nom du Seigneur ! » Telle est l’une des dernières exclamations de la Divine liturgie qui nous invite à sortir de l’église et à retourner dans le monde, à revenir pour ainsi dire sur terre (…) Comme nous l’avons vu, l’expérience de la Divine Liturgie est à la fois un mouvement ascendant et descendant ». (p 213)
Une conscience qu’on prie pour le monde, et la vocation pour le Monde. On prie pour un Au-delà de ce que l’on voit de ce que l’on vit. On demande à Dieu d’aplanir les difficultés qui vont advenir, pour que vienne la paix dans le monde et dans le cœur. Ces difficultés sont nombreuses au Proche-Orient, et en Europe centrale. Les Chrétiens sont appelés à unir leurs forces et à faire monter à la fois la louange et leurs supplications pour que Dieu ramène l’Homme sur les chemins de la Paix. En Terre Sainte, cette liturgie et la fraternité au nom du « Sacrement du Frère » réduit les divergences, apportent des secours, prie pour la Paix, œuvre pour le Salut…, et devient un pont qui unit les rives pour que les Hommes se parlent et se tournent ensemble vers l’Unique en faisant monter les effluves d’encens et le son mélodieux de la prière qui vous prend aux tripes pour mieux s’incarner dans nos vies!