La marine dans l’Ancien Testament. Représentations et enjeux
Auteur: Jean Jacques Pérennès, op
Alice Nepveu-Barrieux, La marine dans l’Ancien Testament. Représentations et enjeux, Domuni-Press, 2023, 217 p., ISBN 978-2-36648-203-4
Fruit d’un travail de recherche effectué dans le cadre de DOMUNI-Universitas, l’ouvrage aborde un sujet encore peu défriché : la marine dans l’Ancien Testament. L’évocation de la marine en contexte biblique fait immédiatement penser au chapitre 27 du Livre des Actes des Apôtres dans lequel est décrit en détail le naufrage de Paul en route vers Rome. La précision de la terminologie maritime a toujours suscité l’étonnement des commentateurs. Rien de tel dans l’Ancien Testament, nous dit d’emblée l’A. : « Le peuple de Dieu, tel que le présente les rédacteurs bibliques, est un peuple de la terre qui ne manifeste pas d’appétence pour la chose maritime ». Cette première impression s’appuie sur le parcours d’un corpus de six livres bibliques de l’A.T. : le Premier Livre des Rois, le Deuxième Livre des Chroniques, Jonas, le Livre d’Ezéchiel et le Deuxième Livre des Maccabées, ouvrages correspondant à une période allant du Ve s. av. J.-C. au 1er s. ap. J.-C., période correspondant à la fixation du canon de la Torah et des Ecrits dans la Bible hébraïque. Pourtant, l’A.T. regorge d’évocation des « vaisseaux de Tarsis » et consacre un Livre entier à l’aventure de Jonas. D’où l’intérêt de l’inventaire méticuleux réalisé par l’A.
L’ouvrage comprend trois parties qui permettent d’examiner le sujet sous diverses facettes : les bateaux dans l’A.T., les lieux de vie maritime, les gens de la mer. Un excursus est consacré à l’Arche de Noé et un petit chapitre à l’histoire de Jonas. Le détail de l’examen de ces trois domaines revient au même constat : tout ce qui a trait à la marine dans les livres retenus est « essentiellement phénicien », ce qui est assez logique car le commerce de l’époque était aux mains des Phéniciens. C’est à eux que le peuple hébreu doit recourir quand il veut, par exemple, importer du bois pour construire le Temple ou de l’or pour le décorer. L’A.T. évoque dans I R. et 2 Ch. la flotte phénico-israélite des rois Salomon et Hiram qui aurait navigué au Xème siècle et magnifie ces « vaisseaux de Tarsis ». Or aucun élément archéologique ne vient confirmer leur existence. L’A. en conclut qu’il s’agit plutôt d’un topos biblique employé pour manifester la puissance économique maritime des Phéniciens auxquels les Hébreux ont recours pour le commerce et aussi « comme preuve supplémentaire de la puissance du "bon roi" Salomon ». Qu’il s’agisse de bateaux de commerce ou de bateaux de guerre, ils ne sont pas israélites, mais « l’enjeu essentiel de ces bateaux est d’arrimer le peuple de Dieu dans les réalités politiques, économiques et géographiques de leur époque. Leur existence dans l’A.T. répond donc surtout à des enjeux théologiques : « construire le topos biblique de l’âge d’or du règne de Salomon et ancrer Yahvé et son peuple dans le cours de l’histoire de l’humanité. Ainsi, ils participent à leur manière, à la gloire de Yahvé » (p. 72).
Les deuxième et troisième partie de l’ouvrage complètent l’enquête en faisant le point sur les chantiers navals (Eçyon-Gébèr, Tyr), les ports (Joppé, Sidon, Tarsis, Ophir, Tyr), les gens de mer (marins, commerçants, vendeurs de poisson). Ce qui frappe de manière générale c’est que le regard est typiquement « un regard depuis la terre », mais un regard attentif, ce qui confirme la conclusion générale de l’A. : « même si la marine est un objet vétérotestamentaire mineur, elle n’est pas un détail ». En parler avec soin permet au Peuple de Dieu de s’ancrer dans l’histoire du Proche-Orient ancien et de lui donner « une épaisseur humaine » parlante pour tous.
Une douzaine de pages sont consacrées à Jonas, « le passager vétérotestamentaire », qui, appelé par Dieu pour une mission prophétique périlleuse – annoncer aux habitants de Ninive la colère de Dieu –, s’enfuit littéralement par voie de mer « pour fuir à Tarsis loin de Yahvé » Jonas, 1,4). Au bout du compte, les marins polythéistes qui avaient voulu se débarrasser de Jonas vont implorer Yahvé, le Dieu d’Israël. Jonas est en quelque sorte « prophète malgré lui ».
Quoique de facture assez scolaire – il s’agit d’une mémoire – et portant sur un objet d’étude assez ténu, cet ouvrage a le mérite de défricher un sujet encore peu étudié, en s’appuyant sur une riche bibliographie, les travaux de référence sur le sujet (Chantal Reynier, Françoise Briquel-Chatonnet, Jean Rouge, etc.) et une analyse minutieuse de la terminologie. Au bout du compte, l’examen de ce sujet transversal en lien avec de nombreuses thématiques humaines, religieuses, politiques et économiques est riche d’enseignements.
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Jean Jacques Pérennès, op