L’Autre et ses représentations dans la culture arabo-musulmane
Auteur: Omar FERTAT
La question de l’identité et celle de l’altérité ne sont pas récentes. Cette question a été fortement débattue par les philosophes du Siècle des Lumières mais aussi par les contemporains tels qu’Emmanuel LEVINAS, Martin BUBER, Paul RICOEUR ou Michel De CERTEAU, sj. Un débat qui nait avant-guerre et surtout après le deuxième grand conflit armé. Quel est ma responsabilité devant l’Autre ? Et puis il y a aussi cette part d’admiration/fascination et répulsion quand il s’agit de l’Autre que je « maîtrise » pas très bien…, que je ne connais pas, que l’on dépeint comme « malicieux », comme un « ennemi ». Je ne le connais pas, et pourtant l’Autre agit en moi le plus souvent comme un lieu de suspicion, de doute et/ou de rejet.
Cette question aborde divers champs de réflexion : la philosophie, la psychologie appliquée, l’anthropologie, la sociologie, la psychanalyse, l’esthétique et la culture. Tout au long de l’Histoire, les œuvres littéraires et artistiques ont témoigné des multiples échanges interculturels et de la représentation du rapport à l’Autre dans le champ de l’imaginaire tant en Orient qu’en Occident, mettant en relief deux modernités, deux regards. On a évoqué, il y a peu, le thème des Croisades « vues par les Arabes ». Dans ses écrits, Amin MAALOUF traite souvent des « identités » parfois meurtrières. Le célèbre penseur palestinien, Edward SAÏD, a décrit les limites de l’Orientalisme promu et proposé par l’Occident… en méconnaissant l’Autre et sa culture à la reconnaissance de la diversité et de la différence culturelle et la «modernité » arabe. Il y a sans doute un enjeu pour notre monde contemporain, pour les peuples autour de la Méditerranée au moment où cette question réapparait dans le paysage politique et socio-culturel européen suite à l’arrivée de nouveaux migrants. Apprendre à regarder, décider et désirer l’hospitalité pour l’Autre, c’est de ne pas vouloir s’enfermer dans des regards croisés entre Orient et Occident et de nous limiter aux représentations bipolaires et réductrices, et forcément réductrices… de part et d’autre des deux rives de la Méditerranée. Quelle sont les frontières symboliques de l’Autre qui vient à moi ? De celui qui m’est désigné ? De celui qui est même et qui est aussi un autre ?
C’est bien le propos d’Omar FERTAT dans le livre qu’il dirige : « L’Autre et ses représentations dans la culture arabo-musulmane ». Cet ouvrage est une sélection d’articles exposés lors d’un colloque organisé par l’Université Bordeaux-Montaigne en février 2013 sur le thème : « L’Autre et ses représentations dans le monde arabo-musulman ».
« Penser, c’est passer à l’Autre » (Michel de CERTEAU).
L’ouvrage comme le présente le Directeur de cette publication, Omar FERTAT, s’organise en trois parties :
« La première étape de ce projet, nous l’avons voulue locale, en ce sens que le regard appréhendant l’Autre s’origine et s’exporte à partir du monde arabo-musulman. Nous avons choisi la notion de « représentation » comme paradigme pour mettre en perspective ce regard porté par « le monde arabo-musulman », au travers de ses intellectuels, ses artistes, ses historiens, ses voyageurs et ses philosophes, sur l’Autre, que celui-ci relève d’une altérité radicale ou plus proche ». (p 13)
La première partie aborde des questions liées à l’altérité et ses représentations dans le monde arabo-musulman. La deuxième partie est consacrée à l’art et à la littérature d’expression arabe à partir du prisme de l’altérité et de différentes œuvres classiques et modernes d’auteurs connus. Enfin, la dernière partie met en lumière des œuvres littéraires d’expression françaises.
Ce livre fait écho à de nombreuses études et à de nombreuses publications récentes sur l’image de soi, sur l’image de l’Autre et de l’Arabe dans la littérature, dans le cinéma, dans l’approche souvent binaire de l’Histoire. Il nous offre un panorama du plus lointain au plus proche de nos vies, de nos lectures et de nos représentations culturelles, imaginaires et imago-logiques, de notre vie au quotidien avec cet « Autre arabe » que je côtoie et dont je ne sais rien de lui. Un livre d’une grande actualité sous la plume de chercheurs qui réalisent, ici, une étude nécessaire au cœur de l’actualité.
Patrice SABATER
Décembre 2019