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Le Tombeau perdu d’Alexandre le Grand

5 septembre 2024 | resena
Le Tombeau perdu d’Alexandre le Grand

Auteur: Patrice Sabater

Jean-Yves Empereur, Gilles Kraemer, Damir Niksic, Le tombeau perdu d’Alexandre le Grand. Ed. Riveneuve. Paris, 2024 112 pages. 22 €

En 2013, une première BD avait été publiée aux Editions Riveneuve sous l’impulsion de Gilles Kraemer comme scénariste et créateur du personnage Omar Le Chéri. La proximité avec le célèbre acteur Omar el Sharif, égyptien d’origine syro-libanaise chrétienne est plus qu’évidente. Pourquoi ce livre ?

Un nouveau livre des Editions Riveneuve nous conduit sur les traces de l’un des plus grands conquérants de l’Histoire. Il s’agit d’Alexandre le Grand. Jean-Yves Empereur, Gilles Kraemer et Damir Niksic, les auteurs de cette BD un peu originale dans sa proposition nous conduisent entre légendes et histoire… Un journaliste, un dessinateur et un archéologue se sont unis pour nous offrir une BD passionnante en forme d’enquête.

Nous nous mettons sur les traces du tombeau d’un des plus fascinants personnages de l’Histoire.

Roi de Macédoine à la suite de la mort de son père Philippe II, le jeune Alexandre accède au trône et accomplit son rêve de réunir l’ensemble du monde grec. Ses conquêtes grecques dépassent l’aire hellénique, et se prolongent au-delà des frontières de l’Inde dans la Province du Penjab. A trente-deux ans, dans la fleur de l’âge, le 11 juin 323 av. J.-C. à Babylone, Alexandre le Grand n’est plus qu’un corps sans vie. Ce dernier est momifié à la manière des Pharaons  au lieu d’être incinéré comme il est d’usage chez les Macédoniens. La momification n'est pas une pratique usuelle chez eux. Il avait régné presque treize ans, et il meurt contre toute attente d’une une mauvaise fièvre. Les généraux placent son corps dans un sarcophage d’or revêtu de son manteau de pourpre afin que son linceul soit ramené dans la capitale du royaume de Macédoine auprès de ses ancêtres.

La légende commence peut-être là… On dit que sur que la route, le général Ptolémée aurait détourné le convoi pour l’emmener à Memphis (Egypte) auprès du dernier Pharaon de la XXXème dynastie ; c’est-à-dire le prédécesseur d’Alexandre. En 280, il aurait été transféré à Alexandrie dans un luxueux mausolée. Comme Pharaon d’Égypte, Alexandre le Conquérant, a été momifié et transporté à Alexandrie.

Au début du IIIème siècle, Alexandrie – fondée par le roi de Macédoine - commence une lente descente, et son influence décline en grande partie en raison des massacres ordonnés par Caracalla. Déplacé ou détruit entre le IVe et le VIIe siècle, probablement à cause de catastrophes naturelles, d'épidémies, de tremblements de terre, des raz-de-marée successifs tel celui du 21 juillet 365 ; et aussi de l'avènement du christianisme. En 391, une révolte chrétienne et conduit à la destruction du Temple de Sérapis. Que sont devenus le tombeau et le corps d’Alexandre ? L'empereur chrétien Théodose en interdit en 391 la vénération. Sans doute encore qu’à l’époque de Constantin le mausolée a été encore soit déplacé soit détruit, et la sépulture inhumée… La période musulmane ajoute aux destructions, et au Moyen-Âge la ville est reléguée à un statut inférieur au profit du port de Damiette ; et sera définitivement supplantée par la capitale de l’Egypte jusqu’à nos jours ; Le Caire. 

Aujourd’hui, le tombeau vénéré par les généraux et les Césars n'a toujours pas été retrouvé, malgré les nombreuses recherches et hypothèses d'historiens et d'archéologues pour trouver son emplacement exact. Depuis deux siècles, cent quarante fouilles ont été entreprises pour retrouver le tombeau d’Alexandre sans aucun résultat patent. Les archéologues investissent de nombreux lieux ils cherchent (ruines du cimetière latin de Terra Santa, jardins de Shallalat, l'oasis de Siwa, tumulus de Kasta ; et d’autres encore pensent qu’il serait sous le maître-autel de la Basilique Saint-Marc à Venise…). Pour l’heure, toutes ces recherches ont échoué. L’emplacement de la dépouille d’Alexandre le Grand est encore aujourd'hui introuvable. En sa qualité de Pharaon d’Égypte, nous savons que le légendaire conquérant a été momifié puis transporté à Alexandrie. Le résultat est sans appel on ne sait pas ce qu’est devenu le Phare d’Alexandrie, ni le Saint Graal, ni le tombeau d’Alexandre. On a égaré les restes du plus grand conquérant de tous les temps ! Et c’est là que notre histoire commence au fil de l’intrigue et au cœur de cette BD comportant un Cahier qui lui est adjoint.

Un jeune journaliste, un peu Tintin, un peu Indiana Jones, et un peu Hercule Poirot, un peu enquêteur fougueux et très curieux de nature, le journaliste local Omar le Chéri s’intéresse à cette énigme.[1] C’est un passionné, et comme tous les passionnés il s’agite, il court, il réfléchit pour poser des faits. Il croise un routard allemand Klaus Meyer. Omar et Klaus deviennent bientôt inséparables. Ils parcourent la ville dans tous les sens à la recherche du moindre indice, mais l’exploration n’est pas du goût de tout le monde. Malgré les intimidations et des messages un peu troublants ils continuent leur enquête. Trouveront-ils une trace du tombeau d’Alexandre ? 

L’histoire commence dans un train qui conduit Omar à Alexandrie. Il a été informé que des fouilles allaient avoir lieu pour la énième fois pour retrouver le tombeau d’Alexandre. En Orient, les nouvelles vont vite et « la Rue arabe » se charge des nouvelles aussi vite que ce qui est écrit dans les journaux ! Comme on avait retrouvé la tombe de Toutankhamon le 4 novembre 1922, peut-être que cette fois-ci un voile sera définitivement levé sur cette énigme ?!? Le lieu investigué se trouverait sous la mosquée de Nabi-Daniel. C’est une des hypothèses parmi tant d’autres. Comment savoir ? L’équipe s’agrandit encore puisque son amie Zeina, qu’il a appelé depuis son hôtel, les rejoint. L’aventure commence. Un gardien bien disposé les conduit vers un puits, et les deux hommes descendent.  Ils y découvrent une tombe. Questions ? Hypothèses ? Conclusion provisoire. La remontée est beaucoup moins évidente puisque qu’ils sont bloqués au fond du puits. Le gardien a retiré l’échelle. Le lendemain matin après une nuit dont ils se souviendront leur guide de la veille leur dit que c’est un inconnu qui lui a dit d’enlever l’échelle. La chose est tout de même étrange. La légende veut qu’une malédiction frappe tous ceux qui cherchent de trop près de la vérité. Karl, quant à lui, a trouvé des documents chez un bouquiniste. Le professeur Khalil Hussein est attablé dans le même bar où les deux jeunes explorateurs se sont rendu. L’archéologue les observe, car lui aussi poursuit ses investigations afin de retrouver ce tombeau. L’histoire se poursuit mais on n’en dira pas plus pour que chacun reste en haleine pour poursuivre l’aventure avec eux. La fin surprend tout de même ; et on s’attendrait presque à une suite. Que s’est-il passé après ? Comment l’enquête se poursuit jusqu’à nos jours ? 

L’idée de ce personnage reporter aux cheveux « à l’orientale », avec une moustache qui donne du sérieux, lui est venue au Caire où il effectuait son service militaire comme coopérant. De retour en France, il crée en 1997 l’association « Omar Le Chéri » avec le concours d’une trentaine d’écrivains, de journalistes, d’enseignants... Le but est de travailler avec des jeunes de 11 à 17 ans en ayant comme visée le développement des relations entre les deux rives de la Méditerranée. Paul Balta, ex-journaliste au «Monde» en est le Président, et Gilles Kraemer en devient le Secrétaire général. Le Conseil d’administration est pluriel et représente plusieurs de ces pays. Le site de l’association et les activités qu’il propose fonctionne comme un « Atelier en mouvement » et fédérateur ; et devient pratiquement une sorte d’Ecole de Journalisme pour adolescents. Des ateliers ont été organisés en Tunisie, en Égypte, en Turquie, au Liban et en France, dans des villes, des quartiers défavorisés ou en milieu rural. Hyper actif avec des liens internet créant un espace encyclopédique servant à chaque jeune et aux établissements scolaires avec qui l’association a travaillé ; et le tout assorti de documents fonctionnant comme une boîte pédagogique. Le but était véritablement de créer des vocations en formant des citoyens, et d’aller vers l’Autre par le truchement des rencontres des interviews et de la recherche. On peut se référer à des films-documentaires : « Les aventures d’Omar le Chéri à Bab el-Web » de Bernard Corteggiani et « La plus grande de planche de BD du monde à Sarajevo » de l’AFP.

Une nouvelle édition est proposée depuis le printemps dernier avec des dessins, photos, et des cartes permettant de plonger dans l’histoire d’Alexandre le Grand et d’Alexandrie. La nouvelle édition cartonnée et en couleurs associe le dessin, un scénario et des sources documentaires. Jean-Yves Empereur, archéologue et directeur du Centre d'études alexandrines, donne sa part de notoriété scientifique à ce livre permettant de proposer un dossier documentaire développant les différentes hypothèses de recherches encore actuelles sur l’emplacement du tombeau alexandrin. Le plasticien, Damir Niksic de Sarajevo participe également activement à la BD comme dessinateur.

Cette bande dessinée donne l’occasion au scénariste Gilles Kraemer comme à l’archéologue Jean-Yves Empereur de passer en revue les différentes hypothèses sur l’emplacement de la tombe d’Alexandre le Grand. Une véritable enquête avec des rebondissements. Une croisée des chemins entre le plaisir, la recherche, l’intérêt, la beauté du cahier rendent ce livre original et très attirant pour les jeunes et pour les adultes.

 

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Jean-Yves Empereur est archéologue au CNRS, fondateur du Centre d’études alexandrines à Alexandrie en Égypte (CEAlex) en 1990 qu’il dirige jusqu’en 2015. Il a mené de nombreuses fouilles sur terre comme sous les mers qui ont donné lieu à plusieurs films documentaires (le phare d’Alexandrie, la nécropole, etc.). En 2018, il est élu, membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.

Gilles Kraemer est le Directeur des Editions Riveneuve (Paris), ancien journaliste, chercheur, formateur et directeur de Centre culturel français à l’étranger. Il est le scénariste de cette bande dessinée et le créateur du personnage d’Omar Le Chéri pour le journal francophone Le Progrès égyptien, lors de son séjour au Caire en 1991.

Damir Niksic est artiste plasticien né en Bosnie-Herzégovine, passionné de vidéo, mais aussi de dessin et peinture. Il a étudié aux États-Unis et en Suède. Il a exposé à la Biennale de Venise (2003, 2007) avant de rentrer à Sarajevo où il s’engage en politique, et a été élu député.

 

 

[1] Omar le-Chéri, le héros de l'histoire, est un jeune journaliste égyptien francophone dont le nom est un clin d'œil au grand acteur de cinéma de réputation mondiale : Omar Sharif (Omar el-Sharif en arabe) égyptien d’origine syro-libanaise chrétienne. Le personnage sort en 1991 dans les pages pour la jeunesse du quotidien francophone Le Progrès égyptien, publié au Caire (cf. www.omarlecheri.net)