Michel Froidure, Vieillir avec la Bible
Recension de Michel Froidure, Vieillir avec la Bible, Quarante-cinq ans de vérification évangélique par Hervé Ponsot, op
Michel Froidure, Vieillir avec la Bible, Quarante-cinq ans de vérification évangélique, (Collection : Epiphanie), Editions du Cerf (Paris), 2008, 266 p.
Le frère Michel Froidure est entré dans sa 75e année, et, comme tant d’autres, il est tenté de relire sa vie pour en tirer quelques enseignements. Incontestablement, comme son livre en témoigne dans plusieurs pages, le plus important d’entre eux est celui que lui a livré son engagement comme officier dans la guerre d’Algérie : ‘tu n’assassineras pas’ (une formulation que l’A. préfère à celle, plus classique, ‘tu ne tueras pas’, car « il existe une réciprocité dans le combat qui est absente des exécutions sommaires » p. 10).
L’A. est un ancien élève de l’Ecole biblique de Jérusalem, et cela se sent tout au long des pages : d’une part il n’hésite pas à retoquer certains traductions tel le Pantokrator, tout-puissant, adjectif du Credo auquel il préfère un « maître de tout » nominal (p. 67), ou bien encore l’humilité de Marie dans le Magnificat quand il s’agit clairement, d’après le texte grec, de son humiliation (p. 82) ; d’autre part et surtout il puise à larges bords dans la source des Écritures, tout spécialement celle des Psaumes qu’il cite ou commente avec une grande justesse. Tout cela pour servir et éclairer son aspiration fondamentale, celle d’une « fraternité universelle ».
Le témoignage est beau, solide, chaleureux. Marqué par une relation profonde au Christ telles que l’attestent ces lignes : « Si je n’ai pas abandonné mon rêve en cours de route, c’est que Jésus, lui, ne m’a pas abandonné, en m’envoyant suffisamment souvent des anges et des messagers, pour me réconforter sur la route. Ils n’avaient peut-être pas conscience d’être des anges chargés d’une mission, mais moi je l’ai su tout de suite, et c’était l’essentiel. Si je n’ai pas quitté l’Ordre comme les deux tiers de ma génération, c’est en grande partie à eux que je le dois, et ma gratitude à leur égard leur est acquise pour toujours » (p. 209).
J’ai connu le frère Michel et plusieurs liens de formation continuent de me rattacher à lui, j’aime son livre, l’élan qu’il manifeste. Je regrette d’autant plus que lui qui aspire à la fraternité universelle s’autorise, par des jugements d’exclusion trop rapides, à vilipender d’autres figures du monde chrétien tels que les cardinaux Feltin ou Garrone, ou bien encore les congrégations romaines : je suis sûr que, s’il connaissait mieux par exemple ces dernières, il ne laisserait pas entendre qu’elles se dispensent « de rechercher l’intelligence du coeur, le souci des plus petits » (p. 142). Puisqu’il aime tant, et je le comprends, Etty Hillesum, je ne peux que le renvoyer à certains propos de celle-ci, par exemple : « La saloperie des autres est aussi en nous. Et je ne vois pas d’autre solution, vraiment aucune autre solution que de rentrer en soi-même et d’extirper de son âme toute cette pourriture. Je ne crois pas que nous puissions corriger quoi que ce soit dans le monde extérieur que nous n’ayons d’abord corrigé en nous » (Une vie bouleversée, p. 102).
Oublions donc ces jugements-là pour retenir que ceux qui sont marqués d’une réelle fraternité : par exemple à l’égard de l’Église (« Pour moi, l’appartenance à l’Église, c’est d’abord une extraordinaire expérience de la fraternité vécue, et très secondairement un « problème », p. 255), ou de certains proches (« De cette « bourgeoisie chrétienne », je ne dirai d’ailleurs jamais de mal, car c’est d’elle que je viens, et j’y ai rencontré non seulement des frères et des sœurs mais surtout beaucoup de vrais amis », p. 235). Pour retenir surtout les innombrables et belles méditations bibliques, en particulier sur les psaumes, dont il nous livre de nombreux extraits, tant elles ont contribué à orienter et soutenir sa vie et ses combats.
Frère Hervé PONSOT o.p.