DOMUNI UNIVERSITAS

S'ils se taisent, les pierres crieront... Trois mois en Palestine au service de la paix.

13 avril 2018 | resena
S'ils se taisent, les pierres crieront... Trois mois en Palestine au service de la paix.

Corinne et Laurent MERER

Père Patrice Sabater, cm

Aller au livre

 

Rien ne préparait véritablement Corinne et Laurent MERER à partir en Palestine ; et surtout pour y consacrer trois mois de bénévolat efficace. C’était d’ailleurs la première expérience de ce genre. Elle est professeur et, lui, ancien Préfet maritime de Brest… « Mais qu’allez-vous faire en Palestine, vous feriez mieux de vous occuper des chrétiens d’Orient ? » Et, pourtant c’est bien sur cette terre que sont nés les premiers chrétiens. Ce livre est un reportage. Il est le fruit de ce qu’ils ont vu, partagé et ressenti auprès des populations palestiniennes. C’est une observation, sans doute militante, en des endroits de tensions que sont, par exemple, les check points dans les régions de Jérusalem et d’Hébron. Ils ne rencontrent pas seulement des Palestiniens, mais aussi des colons, des Israéliens et de jeunes soldats de Tsahal.

De quoi s’agit-il exactement ? Le Service protestant de mission, le DEFAP, leur a proposé dans le cadre du Programme EAPPI (Ecumenical Accompaniment Programme in Palestine and Israel), mis en place par le Conseil œcuménique des Eglises, de participer à une action de terrain. Cette réponse a été mise en place en 2002 à « l’appel pressant des chrétiens de Palestine lancé aux chrétiens du monde – « un cri d’espoir au-delà de tout espoir » - après la deuxième Intifada, lorsque l’occupation de leur pays s’est renforcée, que la colonisation est devenue de plus en plus brutale, que leur voix a été de plus en plus étouffée. Le Programme est organisé pour « accompagner les Palestiniens – chrétiens et musulmans – et les Israéliens dans leurs actions non violentes et leurs efforts concertés en vue de mettre fin à l’occupation». (Page 11)

Ce Programme est une action pour la paix. Il tend à soutenir les Palestiniens dans leur vie quotidienne « soumise à l’occupation et à la colonisation ». « Dans la pratique, une trentaine de volontaires se relaient tous les trois mois (durée du visa), répartis par équipe de quatre ou cinq, en sept sites à partir desquels ils opèrent : Jérusalem, Bethléem Hébron, Yatta, Jéricho, Yanoun et Tulkarem. Chaque équipe est autonome, la coordination d’ensemble étant assurée par un bureau de permanents basé dans la vieille ville de Jérusalem ». (page 20)

C’est ainsi qu’ils se sont rendus régulièrement auprès des Palestiniens chrétiens pour soutenir une présence qui se raréfie de plus en plus. Ils se rendent également auprès des Bédouins là où ils sont. Et puis ils vont à Hébron et au check points de Qalandia, dans les lieux chauds…, dans les villages. Ils regardent. Ils interrogent. Ils notent, mais surtout ils sont là.

Ce livre est précieux parce qu’il nous présente sans fard la vie réelle de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants condamnés à attendre. Ils sont condamnés aussi à ne rien dire et à accepter depuis si longtemps déjà dans un silence international qui n’a pas de mot. Qu’attendent-ils encore ? Un jour peut-être partir ? Résister malgré tout pour garder leurs lopins de terre, leurs vignes ou leurs oliviers, une vieille masure… maison de leurs ancêtres ? Ce livre n’est pas statique. Il dit les faits. Il ne les invente pas. Parfois, pourtant, on aurait envie que ce ne soit pas ça ! On aurait envie de tourner la page et souffler un peu; mais les faits ne vous en laissent pas le temps. Ils vous font froid dans le dos. Alors, après cela y-a-t-il encore de l’espérance à attendre ?

« Le soleil se couche derrière le Saint-Sépulcre, un tonnerre de cloches éclate sur la ville. Les paroles du Père Abbé d’Abou Gosh me reviennent en écho : Le jeu des masques n’est plus de mise ». (page 161). Ils sont venus raconter ce qu’ils voyaient, et d’une certaine façon s’interposer par leur simple présence quand l’injustice était à son comble… Le livre se termine par une belle parabole offerte par le Prieur des Dominicains du Couvent saint Etienne de Jérusalem-Est… Il les invite à « trouver les mots » pour dire. C’est ce qu’ils font, ici car s’ils ne le faisaient pas certainement les pierres crieraient… Un bon document qui nous place devant des réalités peu souvent abordées dans leur simple vérité. A lire.

 

Patrice Sabater, cm
17 mars 2018

Corinne et Laurent MERER, S’ils se taisent, les pierres crieront… Trois mois en Palestine au service de la paix. Editions Balland, Paris 2017. 166 pages. 15 €
 

Aller au lien