Venez vous reposer : Antidotes spirituels au burn-out
Auteur: Michel Van Aerde
Michel VAN AERDE
Père Patrice Sabater, cm
Le « burn-out », une expression sans doute un peu dévoyée aujourd’hui tant elle est employée pour dire le stress, la surcharge de travail, etc. On croit pouvoir dire qu’il s’agit d’un mal bien contemporain qui inquiète parce qu’il laisse les personnes qui en sont atteintes sur le bord du chemin. On s’en étonne souvent devant « la crise » ou « la chute » de celle ou celui que l’on croyait si fort (e)… On parle aussi de mélancolie, de désenchantement, de crise intérieure comme étant l’antichambre d’un prochain effondrement. Ce mal se caractériserait par un état d’épuisement général, à la fois psychique, émotionnel et mental, de sentiment de « vide». L’homme perd le contrôle de lui-même et de sa vie. Il ne sait plus où sont les valeurs et sa jauge intérieure. Il continue à vivre sur le fil en s’épuisant et en se vidant. Plus rien ne semble le remplir jusqu’au jour où, dit-on, il « pète les plombs ». L’édition n’est pas en reste avec ce phénomène. De très nombreux livres présentés au public proposent quasiment tous des solutions, des méthodes, des repères et des points d’appui pour prévenir de ce mal : écouter son corps, dormir suffisamment, se nourrir sainement, pratiquer une activité physique, garder du temps pour soi, faire des pauses et, surtout apprendre à dire Non etc.
Il y a des livres qui sont des événements soit par la forme soit par le fond ; et parfois en raison de l’un et de l’autre. C’est le cas de l’ouvrage du Frère dominicain Michel Van Aerde « Venez, vous reposer: Antidotes spirituels au burn-out ». L’auteur n’aborde pas ici cette thématique, non pas qu’il la rejette mais la replace dans un autre champ ; celui de la vie spirituelle, de la relation de l’Homme avec Dieu, de « la voix terriblement intime » que la personne est appelée à entendre pour « reprendre des forces, pour procéder à une refondation » ; et enfin de compte pour « se reposer ». Ce livre est le fruit d’une Retraite spirituelle que le Frère prêcheur a donnée au monastère d’Orval aux prêtres du Diocèse de Metz. La vie et l’actualité ne sont pas absents de ce livre ; bien au contraire… L’auteur parfois fait des remarques personnelles ou expose des idées un peu novatrices mais pas inintéressantes. L’auteur s’adresse aussi à la vie de ces pasteurs.
Les premières phrases de l’opus donnent le ton et le mouvement de l’ensemble : « La Bible et ses vérités libératrices mettent en question l’agir même de l’homme d’action… (Alors) d’où vient l’essoufflement ? Comment retrouver l’enthousiasme des commencements et garder un second souffle ? » Les différentes parties de l’exposé et ses chapitres sont à la fois lents et en mouvement. Ils suivent les courbes de la pensée selon le rythme de la prière et de la retraite pour mieux s’abreuver comme le cerf altéré qui cherche l’eau vive pour revenir à la source de ses motivations profondes, pour replonger dans ses racines là où nous sommes tissés, pétris et conduits.
Michel Van Aerde ne traite pas, ici non plus, de l’acédie; c’est-à-dire de la théologie catholique qui essaye de réfléchir sur cette affection spirituelle qui atteint principalement les moines se manifestant par l'ennui, le dégoût de la prière et le découragement.
A aucun moment le livre n’est rébarbatif, empesé, ennuyeux ; bien au contraire il repose déjà le lecteur et nous renvoie vers nous-même. N’était-ce pas là déjà la proposition de Yahvé au Père des Croyants en lui disant d’aller « vers lui-même », vers « l’intérieur », vers le plus profond en lui-même pour aller vers les autres… « lekh lekha » ? Nous sommes convoqués à vivre une démarche de fond, de quête spirituelle pour réagir devant l’imprévu, pour boire une eau toujours nouvelle que nous donne par excellence l’Evangile, pour recevoir un feu qui brûle jusqu’au cœur comme saint Philippe Néri vivant une pentecôte dans les catacombes de Rome. Un chemin s’ouvre à nous…, et non pas des méthodes ! Cette route peut être risquée et elle peut en même temps nous conduire là où l’on ne voulait pas aller en se risquant. A ce propos la relecture que fait l’auteur au sujet de Marie et de Joseph accueillant l’enfant de la Promesse est tendre et convainquante. On se laisse, ici, facilement prendre par la main. Sans doute est-ce là le mérite de ce livre : se laisser guider posément en nous proposant de nous vider de nous-mêmes et de « nous humaniser » pour mieux traverser les solitudes, mieux s’accepter en acceptant ses limites ; et enfin, pour mieux « écouter son désir pour s’orienter ».
Il s’agit donc d’un chemin ; non pas d’une boussole ! La mise à l’écart à la manière de Jésus-Christ plonge le croyant dans cette dynamique du Jeune Homme riche, de Nicodème, des Pèlerins d’Emmaüs et sans doute également des Mages qui rentrent en eux-mêmes, et qui repartent par un autre chemin. La mise à l’écart n’est pas une fuite mais une invitation à la rencontre pour être en capacité de choisir, pour se libérer en prenant acte de mes choix et de mes impasses. Ce plongeon en Dieu et de moi-même permet de trancher, de couper, de faire des choix de vie, de s’affirmer…; et d’être en paix avec soi-même et son histoire.
Nous avons peut-être oublié que Jésus avait Lui-même assumé les tentations au désert avant d’être envoyé vers les Hommes de Palestine. Il est passé avant nous par des chemins obscurs pour que l’Homme puisse lui aussi éprouver ce plongeon vers l’inconnu et les choix déterminants pour une vie. N’était-ce pas vrai déjà pour Moïse au Buisson ardent ? N’est pas le propre de l’Homme de chercher la route la plus droite, la plus facile, la mieux risquée ? C’est notre condition humaine. Peut-on vraiment y échapper ? Dieu-Créateur nous propose des horizons plus larges, plus profonds en dépassant avec Jésus les tentations. « (Il) nous révèle la vérité de l’Homme. Il accepte le manque, les délais, la frustration, exactement l’inverse de la toute-puissance. La condition humaine n’est pas celle d’un magicien. Ce faisant, Jésus nous révèle la vérité de Dieu (…) ».
L’ouvrage ne comporte pas de conclusion. Peut-être est-ce pour que le lecteur renvoyé à lui-même propose la sienne ?!? Mais faut-il vraiment une conclusion à un chemin qui s’ouvre à nous ? à la nouveauté de ce qui va se vivre en nous désormais pour vivre l’inattendu de Dieu, « pour faire toutes choses nouvelles » avec Jésus-Christ ? Malgré tout, nous pouvons reprendre ces phrases qui viennent pratiquement clôturer le livre pour aller un peu plus loin, pour retrouver un souffle vivificateur dans l’Esprit. Michel Van Aerde nous propose cette ligne spirituelle : « Se reposer c’est reprendre pied, retrouver la vérité de notre être profond, en relation juste avec les autres (…) Il fallait que Dieu se fasse humain pour nous apprendre à l’être de cette façon, sans chercher de manière infernale à jouer au petit dieu. »
Tout au long de la lecture je n’ai pu me détacher de l’exemple de saint François de Sales, évêque de Genève, qui proposait à ceux qui l’écoutaient de « ne rien faire par force mais de tout faire par amour ». Voilà un bon résumé de ce livre réconfortant, adroitement mené, plein de douceur et de vitalité. Un beau cadeau de Noël à faire surtout à ceux qui dans notre entourage ont du mal à trouver des antidotes au stress permanent. Ils trouveront plus que des mots savants… La vie en Dieu pour repartir en 2019 sur un bon pied !
Patrice SABATER, cm
18 décembre 2018
Michel VAN AERDE, Venez, vous reposer : Antidotes spirituels au burn-out . Ed. DOMUNI PRESS, Juillet 2018. 144 pages. 14,90 €