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Le corps, le paraître et les cosmétiques à l'ère du COVID
5 octobre 2022
Le corps, le paraître et les cosmétiques à l'ère du COVID
de Omer Kambale Mirembe
Introduction
« Un beau visage est un avantage préférable à toutes les lettres de recommandation ».
Aristote.
C’est d’abord par le corps que s’exprime la présence à autrui. La société contemporaine promeut le paraître comme mode d’exister du corps par le regard d’autrui ; en effet selon cette citation attribuée à Oscar Wilde : la beauté est dans les yeux de celui qui regarde.
L’homme est préoccupé de bien paraître, et cherche ainsi à se faire valoir par le soin à son corps. C’est d’abord par le corps que s’exprime l’apparence puis elle s’allie le look vestimentaire. L’esthétisation de la vie quotidienne s’appuie sur la mise en scène du corps qui devient l’objet de toutes les attentions et de tous les investissements[1]. A la suite de Georges Vigarello (2012 : 192), on peut parler du corps comme expression privilégiée de la personne, de la personnalisation du paraître comme principe de valorisation. Le Breton (2014 : 21) renchérit en ces termes :
« Matière d’identité au plan individuel et collectif, le corps est l’espace individuel qui se donne à voir et à lire à l’appréciation des autres. »
Le sujet se demande comment il sera perçu par autrui et comment faire bonne impression dans cette perception. On peut dès lors penser qu’exister, c’est paraître pour autant que paraître, c’est exister aux yeux des autres. L’apparence devient ainsi une manifestation de l’existence sociale du corps[2].
Cette valorisation de soi par le corps est surtout manifestée par les métiers du mannequinat et la « peoplelisation » des stars du cinéma, de la télévision, du sport etc.
Les humains ont trouvé un allié pour répondre à ce besoin d’image : les produits cosmétiques. En effet, la cosmétique est définie par Mauss (1926 : 73) comme la beauté surajoutée au corps. Avec la culture de l’image, la publicité des produits cosmétiques utilise souvent comme arguments de vente la beauté, la jeunesse, le fait de se sentir bien dans sa peau.
Les produits de maquillage du visage, de coiffure, le rouge à lèvres, le parfum etc., permettent de mettre plus en valeur le corps comme capital corporel. Le parfum est aussi considéré comme un incontournable vecteur d’image et un canal de socialisation.
L’industrie cosmétique propose aussi des produits (kits de blanchissement, stylos blancheur…) pour avoir des dents blanches. Certes il y a une exigence d’hygiène et de santé, mais c’est aussi l’association aux dents blanches d’une image sociale de personne avenante, aimable par son sourire.
Cependant, avec la crise du covid 19, les mesures sanitaires imposent le confinement, les gestes barrière, le couvre-feu, le télétravail, la distanciation sociale, l’évitement des contacts sociaux ou des foules. Les sorties en compagnie au restaurant, au cinéma, au concert, au théâtre, etc., pour lesquelles on pouvait se faire une beauté sont supprimées ou fortement restreintes, contraignantes ; mais il y a également la peur d’y être contaminé. On ne peut donc plus compter sur le regard d’autrui pour valoriser son corps.
Ce contexte n’est pas favorable à la vente des produits cosmétiques dont l’usage est en grande partie justifiée par les contacts humains, les interactions sociales. Cet extrait résume l’impact à la suite du confinement de 2020 de quelques secteurs en France[3] :
« Les ventes de déodorants se sont écroulées pendant qu’une majorité de Français restaient chez eux : - 35,3 % en valeur. De même, que les autres catégories liées aux « interactions sociales » comme les eaux de toilette et les parfums (- 41,3 %), le maquillage (- 55,5 %)…et les autres produits coiffants (- 47,6 %)…le chiffre d’affaires des rouges à lèvres s’est écroulé de 77 % pendant le confinement. »
Comment valoriser son image, dans un contexte de limitation des contacts humains ? Faut-il soigner l’apparence d’un corps qui ne peut se donner à voir ? Telles sont les questions principales que pose cet article.
En effet, comment convaincre d’acheter un parfum, un déodorant si celui-ci ne peut pas être « senti », « apprécié » par les autres ? Il en est de même du rouge aux lèvres, avec le port du masque obligatoire en dehors de chez soi il ne peut être admiré. C’est aussi le cas de la poudre pour le visage, ce n’est pas pratique avec le masque.
Par ailleurs, pour acheter des cosmétiques, plusieurs consommateurs préfèrent un contact physique avec les produits : les voir, les toucher, les sentir…Ce désir ne pouvant pas être satisfait en confinement et avec la limitation du nombre des clients en magasin, dès lors comment vendre sans que le client ait eu l’occasion de contact avec le produit ? La pandémie du covid 19 pose aussi des défis au shopping, aux agences de publicité dont l’argument de vente des cosmétiques utilisait l’image attractif du corps mais aussi sa valorisation sociale.
Cet article relève les adaptations vécues par des offreurs et des consommateurs, et ce que cela nous dit du corps. La première section illustre comment des personnes font face au besoin de la beauté de leur corps et de soin de l’apparence dans le contexte du covid-19. La deuxième élucide des pratiques des marques des produits de beauté pour la valorisation du corps dans le contexte des restrictions des interactions sociales et des sorties en magasin.
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[1]DANO Florence, ROUX Elyette et NYECK, Simon (2003), « Les hommes, leur apparence et les cosmétiques : Approche socio-sémiotique », Décisions Marketing, p.7.
[2] MAFFESOLI, Michel (1981), « La dynamique de l’apparence », L’Homme et la société, 59-62, p.3-10.
[3] Belloir, Mirabelle (2020), « La beauté au temps du covid »[en ligne, le 01/10/2020, https://www.lsa-conso.fr/la-beaute-au-temps-du-covid,359348
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En savoir plus sur l'article
L'article est publié dans le Journal TELOS n° 8 sous le titre " Le corps à l'ère du COVID " .
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