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Le temps pascal : des Cendres aux langues de feu !
13 février 2018
Nous entrons ce mercredi dans le Carême, c'est-à-dire dans le temps pascal, dans le courant profond qui fait de nous des chrétiens et non pas seulement des humanistes, ni des membres d’une autre religion, mais des disciples de Jésus, décidés à vivre de son Esprit, à chercher la vérité et non les apparences, l’essentiel et non les faux semblants. A la suite de Jésus qui a triomphé des tentations mensongères, nous entrons dans le grand mouvement baptismal qui nous fait passer de la mort à la vie, des ténèbres à la lumière, de l’esclavage à la liberté, de l’offense au pardon, de la rupture à la réconciliation : ce grand mouvement de la mort à soi-même pour vivre en relation de confiance et de réciprocité, d’abondance et de générosité, en recevant en plénitude la vie qui nous est proposée par notre Père, ce Dieu qui sans cesse nous crée et nous recrée.
Nous commençons par les cendres, geste ténébreux, de pénitence, d’humilité lucide et d’abaissement volontaire. Mais ce n’est pas pour nous rouler indéfiniment dans la poussière, tout au contraire, c’est pour renaître de nos cendres ! Les chrétiens ne vivent pas le Carême comme un acte de soumission, de servilité, mais comme un exode, comme une sortie, comme une progression qui les amènent aux trois jours saints, au cœur de l’année chrétienne, au sommet de la liturgie, à ce grand moment où la foi se dit, se célèbre et se communique à tous les nouveaux adultes baptisés.
Il est vital pour notre foi d’y participer. Il y a le jeudi saint avec l’institution de l’Eucharistie, le Vendredi Saint et la Passion de Jésus-Christ, le Samedi Saint et l’attente, et enfin dans la nuit, la fête de la Résurrection, victoire sur la haine et sur la mort, début d’une nouvelle création. 40 jours jusqu’à la Résurrection, d’où le mot Carême (quadragesima), mais aussi 40 jours depuis la Résurrection jusqu’à l’Ascension et dix jours encore jusqu’à la Pentecôte avec les langues de feu et le don de l’Esprit Saint. Cette pédagogie liturgique va donc des Cendres jusqu’aux langues de feu du baptême dans l’Esprit. Elle nous permet de progressivement renaître de nos cendres pour devenir ensemble buisson ardent, comme une Eglise vivante, jeune, attirante, diversifiée. Oui, telle est notre espérance et nous ne pouvons pas désirer moins : former une Eglise ressuscitée, intelligente, libre, animée de l’Esprit d’amour et de vie ! En disant cela, je suis sûr que vous mesurez à la fois combien c’est urgent et tout le chemin à parcourir !
Heureusement pour nous, il ne s’agit pas d’un « travail à réaliser » au sens volontariste du terme. Certes, cela ne se fera pas sans nous mais cela ne dépend pas non plus uniquement de nous. Il s’agit avant tout de répondre à l’appel de Dieu qui nous dit « viens ! » Ne reste pas dans ton péché, dans ta désespérance, dans ta médiocrité, dans tes remords. Viens ! J’ai un projet pour toi, une ambition pour toi, toi humanité, toi Eglise et toi aussi personnellement. Il est possible de renaître. Il est possible de commencer à vivre pour de vrai, pour de bon. Il est possible d’entrer pleinement dans l’amitié et d’inscrire ta vie dans le grand projet du Dieu vivant. Rien n’est perdu, rien n’est désespéré. Il n’est jamais trop tard pour Dieu, rien n’est impossible pour lui.
Pour cela Jésus est clair. Il nous appelle à prier, dans le secret, dans le fond de notre cœur, à exprimer notre désir, à souhaiter la rencontre avec Dieu qui nous connaît et qui est déjà là au plus intime de nous-mêmes. Ensuite Jésus nous appelle à jeûner, un jeûne qui n’a pas pour objet de limiter la surcharge pondérale ni le taux de cholestérol, un jeûne qui n’a rien à voir avec l’esthétique mais tout avec le désir. Il s’agit de reconnaître ce désir comme essentiel, d’accepter de ne pas être rassasié, de nous libérer de l’illusion qu’en consommant ceci ou cela nous pourrions en avoir assez. Il s’agit de prendre conscience du manque fondamental que rien ne peut combler, de ce désir profond qui nous fait avancer, nous fait lever matin, nous fait espérer. Oui, ce manque-là est richesse, ce désir-là n’est pas stérile, il ne peut être déçu. Il est l’inscription dans notre programme personnel, dans notre être le plus vrai, de notre ouverture à l’absolu, à l’infini de l’autre, c'est-à-dire à la rencontre de Dieu.
Prier, jeûner et partager, donner sans contrôle, sans retour, gratuitement, à celui qui nous ressemble, à cet autre qui est un autre nous-mêmes, que nous devons aimer comme un autre nous même. Reconnaître dans le pauvre celui qui est notre propre chair.
Dans cette triple décentration, nous nous libérons des illusions qui nous empêchent de respirer librement : dans le secret de notre cœur, notre Père nous attend pour une rencontre en vérité. Au creux de notre faim se trouve un manque qui nous ouvre à l’infini et, dans l’aumône, nous entrons en solidarité avec l’ensemble de l’humanité.
Que ce Carême soit pour tous et pour chacun non seulement l’occasion d’être fiers de nous, en devenant des champions de la résistance aux tentations, mais plus encore, qu’il nous donne radicalement de renaître de nos cendres et de vivre du feu de Dieu !
Fr Michel Van Aerde, op